On a testé pour vous : les sondages sexistes de ELLE !

Tadaam, c’est l’été, le soleil, il fait 35°C à Toulouse… mais quand le soleil se couche. Bref, la chaleur retrouvée donne des envies de baignades, de lezardage intense au bord des lacs de Haute-Garonne ou de la piscine Chapou. Mais comme la domination masculine ne fait pas de pause, Elle vous propose un numéro d’été pour bien garder les neurones en place.

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C’est quoi la pilule ce coup-ci ? Une petite enquête Ifop (en version détaillée ici), vous savez le genre de sondages où on vous explique ce que pensent la majorité des gens pour que vous compreniez que vous avez tord. Bref, ici, pas question d’opinion politique (c’est Elle quoi !) mais juste de savoir quel homme politique séduit le plus les Françaises…

Question de femmes ?

Déjà, ça commence pas super. Mais bon, on bien le droit de traiter de manière décalée nos dirigeants politiques. Ça fait pas de mal en soi (si y a la manière) et pour tout dire, une des premières formes d’expression populaire désacralisant le Roi était bien de se moquer de lui.

À la rigueur, on peut aussi se dire qu’il doit exister un sondage inverse genre « Les femmes politiques les plus séduisantes aux yeux des Français ». Petite recherche gogole tout ça tout ça… Bah c’est pas si évident. Ça existe dans certains recoins du web… Mais vous comprenez, les hommes c’est du sérieux, ça débat des idées etc… donc faut pas déconner. Je ne parle même pas des hommes politiques séduisants aux yeux des Français, ou des Femmes politiques aux yeux des françaises. Là, ça frise l’aversion !

C’est quoi être séduisant ?

Mais là où l’enquête est balèze, c’est sur le choix des questions. Après tout, c’est un vrai débat : c’est quoi un mec séduisant ? Accrochez-vous, messieurs hétéros, prenez des notes, on embarque dans le monde merveilleux de Elle et d’ Ifop.

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  • « Les hommes politiques avec lesquels les Françaises pourraient avoir une aventure estivale ». En gros, « lequel pour un plan cul au bord de la plage ». Question plutôt normale dans le contexte. Valls est premier (c’est vrai qu’il est beau gosse). Je n’apparaîs pas dans les statistiques (roh merde).
  • « Les hommes politiques auxquels les Françaises feraient confiance pour mettre l’ambiance ». T’es un boute-en-train, t’es sociable, tu fais la fête, du danse et/ou tu chantes. C’est vrai que ça séduit. Jusque-là rien à dire. Montebourg et Valls en tête ? J’ai du mal à imaginer, mais bon, les goûts, les couleurs, tout ça. (Je note que Mélenchon, seul que j’ai côtoyé en soirée est à 4 pts des premiers, faut voir son déhanché aussi.)

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  • « Les hommes politiques auxquels les Françaises feraient confiance pour les sauver en cas d’incendie ». Aïe, ça se gâte. Voilà qu’apparaît comme par magie le mythe du prince charmant qui va venir sauver la princesse dans sa tour en feu. L’homme qui brave les dangers, chevauchant sa monture immaculée. Bref, un des piliers des représentations sexistes. Manuel Valls est de loin le premier, mais c’est de la triche, il est Ministre de l’Intérieur, il a plus de moyens que moi. Cela dit j’imagine assez mal une femme se faire ce scénario dans la tête quand elle rencontre un homme : « Ah Manu, je voulais savoir par curiosité, tu as des habits ignifugés toi ? »

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  • « L‘homme politique auquel les femmes feraient confiance pour les consoler en cas de chagrin d’amour ». Et ça continue. Évidemment, les femmes sont émotives comme pas deux, elles fondent en larmes pour un oui ou pour un non et ce sont des amoureuses transies qui ont besoin du réconfort d’un homme dur et brave. Valls est encore en tête, décidément Manu… Je vais ptete racheter un costume moi.

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  • « L‘homme politique auquel les femmes pourraient confier leurs enfants ». Enfin, celui auquel on peut s’attendre, le typique bagage accompagné sans lequel on ne peut entendre le mot « femme » : ce sont les enfants. Oui, forcément, une femme c’est un être dont le rôle premier est d’enfanter. Donc le critère des enfants ne peut pas être absent dans la séduction. Non mais allô ! Une femme qui ne veut pas d’enfant quoi ?!! Réveille-toi, reviens dans le monde réel, ce sont des utérus sur pattes. J’imagine encore une fois la femme demander « Et sinon Manu, tu sais changer les couches des bébés ? » Alors que tout le monde sait que les hommes, c’est pas leur truc… (ahem !)

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Bref, pour séduire une femme, faut être sociable et avoir du sex-appeal, pourquoi pas. Mais il faut aussi savoir les secourir quand elles sont en détresse et savoir les consoler de leurs intenses et incontrôlables émotions parce qu’après tout, ce sont de faibles créatures, c’est scientifique d’ailleurs. Enfin, il faut savoir s’occuper des enfants, au cas où, parce que bon en temps normal c’est elle quoi. Mais elle doit pouvoir vous les « confier », genre provisoirement, puisqu’ils sont indétectables de son identité de femme…

Voilà, fin prêtes pour l’été ?

Romain JAMMES

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La Dépêche se lâche contre les femmes

C’est l’histoire d’un journal comme un autre. Croyez-moi, c’est sûrement ça le plus triste. Il est comme les autres mais il est tous les jours sur mon bureau. Donc, vaille que vaille, je le feuillette assez régulièrement sans l’illusion de croire que c’est la vérité. Avouez, avec du recul, que c’est un peu dommage d’en arriver là quand on ouvre un canard.

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Évidemment comme beaucoup de journaux, La Dépêche du Midi est un parangon de sexisme. Ce n’est pas un secret, d’ailleurs à mesure que je le lis, je pense que c’est assumé. Les éminences grises (quoi que, ont-elles vraiment quelque-chose entre les oreilles ?)… en tout cas les mecs qui tirent les ficelles doivent avoir un sérieux contentieux à régler avec leur organe interjambien.

La grande disparition !

Comme je l’avais déjà développé une fois. La Dépêche, c’est le Sylvain Mirouf de la PQR. Mais en plus fort hein, il s’agit pas de faux poignards ou de placards à double fond (désolé Sylvain j’ai glissé tes trucs par inadvertance), mais d’une disparition quasi totale de la moitié de l’humanité. J’y vais fort ? euh…

Ce jour là, pris au hasard, les hommes apparaissent sur 90% des photos, les femmes sur 27,5%. Dans la plupart des cas, les femmes sont donc accompagnées par des1 hommes, parce que FAUT PAS DÉCONNER NON PLUS ! Évidemment, dans les quelques photos de femmes seules, il y avait une publicité pour un site de rencontre (le grand classique), pour un produit de beauté et une photo d’un chantier où une femme avait glissé son nez dans l’angle de la caméra. La sournoise ! Tout ça pour pourrir les stats du torchon. Une féministe enragée je présume.

Bref, les lecteurs habituels ne seront pas étonnés. Pas plus que lorsqu’à quelques occasions on voit des femmes en UNE et bien en évidence. Oui il y a des concours de miss partout dans cette ville : miss Toulouse, miss Midi-Py, miss vieille peau, miss gamine, tout ça tout ça… Aaah je suis ivre de bonheur.

Restez chez-vous !

Ça tombe sous le sens, mais pour la dépêche, il n’y a pas le moindre lien entre cette réduction des femmes à leur physique, cette occultation à peine voilée, et les représentations d’infériorités ou les violences faites aux femmes. Pensez donc, c’est tellement tiré par les cheveux. Néanmoins, La Dépêche a de la suite dans les idées. Après une disparition dans les journaux, il va de soi que les femmes doivent également disparaître de l’espace public.

dep1Ainsi, pour une affaire de viol à Toulouse, le journal a copieusement décrit l’acte dans les détails, au point qu’on se demande quel en est l’objectif. Comme l’évoque le planning dans sa réponse, cette affaire, si elle correspond à un stéréotype des représentations du viol, répond en réalité à un phénomène très marginal. Mais bon, ça fait du sensas’ hein ! On va pas parler des viols quotidiens qui sont commis en très grande majorité par des proches des victimes. Au fond, qui ça intéresse ?

Mais le pire, que le planning relève également, c’est cette conclusion « Régulièrement, à Toulouse, des jeunes filles sont victimes d’agressions sexuelles la nuit. Il leur est conseillé d’éviter de se promener toutes seules. » Et bim ! La solution de la haute autorité masculine de ceux qui pensent mieux que les autres vous dit de rester chez-vous ou d’être accompagnée. L’éternel phénomène qui considère que l’homme structure son environnement et le modèle pour lui, mais que la femme s’adapte. C’est aussi une manière de dire « Non mais allô quoi ? T’es une fille et tu te promènes seule dans la rue ! ». En gros « qu’est-ce qui t’es passé par la tête, ça t’apprendra ! » Ou « Vous voyez ce qui arrive aux filles pas sages qui sortent le soir ? ».

Bref, le non-dit, c’est que c’est encore la femme qui est mis en cause. Et que la page d’après, on aura toujours des filles nues pour vendre des haricots verts et les connards pour s’offusquer des réactions des féministes. Oh bah que voilà donc ?

Une histoire de braise…

Et rebelote aujourd’hui d’ailleurs ! Une entreprise ô combien inspirée a dû recruter un chargé de com’ en intérim qui a eu une idée ultra originale ! « Pour vendre mon charbon, je vais foutre une bimbo en petite tenue dans une position allusive ». Et oui, ça tient du génie ce dep2genre d’idée. D’ailleurs, c’est pour ça qu’on en voit partout, c’est qu’avec les hommes, vous êtes sûr que l’esprit créatif est à son comble.

Évidemment, des féministes réagissent, comme nous l’avions fait sur une autre pub, parce qu’on en a un peu ras-le-bol de ce genre d’images dégradantes pour les femmes. L’affiche montre une femme en décolleté, bas, mini-jupe et talons façon vieille pub des années 50 sur son barbecue. Enfin, le slogan est d’une richesse incroyable.

La Dépêche s’en fait l’écho sur un ton à couper le souffle. Les auteurs prennent parti avec la subtilité d’un ouragan sur la Nouvelle-Orléans. Le titre est déjà une blague potache qui donne le ton. L’analogie entre la braise et le feu qui pourrait mettre une femme en petite tenue est un classique des représentations machistes de la sexualité masculine (et plus largement du rôle des femmes dans la sexualité).

Le journal donne, dès l’introduction, un brevet d’affiche humoristique à la publicité. Il accorde  ensuite 3 lignes et demi d’explication aux féministes,  3 lignes à « d’autres femmes plus indulgentes » (notez que le mot indulgente est positif), puis la justification du directeur commercial (un homme si vous en doutiez) sur 12 lignes. Il précise d’ailleurs que des femmes faisaient partie de l’équipe et qu’elles en avaient apprécié « l’humour décalé ». Bref, un bulldozer de mauvaise fois accompagné d’un petit sondage orienté sur le site et de commentaires anti-femmes dont je vous fais un florilège :

  • « La raison première pour laquelle le féminisme parvient à présenter une image à la fois ringarde et détestable, c’est le manque d’humour des féminazies. »
  • « Encore des coincées du …, je ne vois rien de traumatisant sur ces affiches publicitaires. »
  •  « Ah ces minorités …. »
  • « Une femme capable d’allumer un barbecue ? Il n’y a pas dégradation mais revalorisation !!! Vous devriez être contente ! »
  • « 11eme commandement des doctrinaires féministes: tu ne banderas point! »

Ah, la poésie ! Opération masculiniste réussie pour La Dépêche. J’espère juste pour eux qu’il y aura une loi contre le sexisme avant qu’on réussisse à monter des groupes d’action chargés de défoncer la gueule à coup de barre de fer à ceux qui se permettent ce genre de chose…

Rien n’est perdu, l’histoire est lente !

Romain JAMMES

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Les femmes occultées du monde médiatique

Les médias sont un miroir très déformant de la réalité. Chacun à sa manière. Certains l’assument, c’est honnête de leur part, d’autres non, ce qui ne les empêche pas de prendre parti. L’essentiel c’est que dans son ensemble, le système médiatique est un appareil de production culturel puissant.

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Alors vous savez, nous on est parfois bassement marxistes mais il n’y a qu’à voir. L’appareil de production culturel c’est Lagardère, Boloré, Dassault, etc… Bref, les propriétaires de l’appareil de production industriel. Évidemment ce ne sont pas eux qui écrivent tous les articles. Mais on a tendance à penser que ça, ajouté aux conditions de travail des journalistes et à la course acharnée à l’audimat, ça a tendance à produire une culture dominante assez carabinée. « Culture dominante » ça fait un peu peur dit comme ça. Pas de théorie du complot ni de big brother qui organise tout, juste des représentations dominantes qui alimentent des systèmes de domination. Lequel par exemple ? La domination masculine.

« Hors du monde reléguées » dit la chanson. Allez, on teste ? Les femmes, c’est plus de 50% de l’humanité. J’ai pas les stats dans le Sud-Ouest, mais ça doit pas tourner très loin de la parité. Bref, la vie est bien foutue à ce niveau. Et comment La Dépêche du Midi voit les choses ? Est-ce que, comme ces saletés de féministes le prétendent, les femmes sont exclues des médias ? Et comment est-ce qu’elles y apparaissent ?

Petite étude statistique

Prenons donc La Dépêche du Midi de Toulouse datée d’aujourd’hui (NDLR : 16 avril). Nous avons en tout 80 photos dans lesquelles nous pouvons identifier des femmes et/ou des2 hommes. Pour 36 pages, c’est un torchon copieusement illustré.

Sur ces 80 photos **roulement de tambour** il y a 72 hommes et 22 femmes. Cela veut dire concrètement que les hommes apparaissent sur 90% des photos et les femmes sur 27,5% d’entre-elles. Ca fait déjà assez mal. Manifestement, l’actualité de La Dépêche du Midi ce n’est pas celle des femmes.

Allons un peu plus loin donc. Vous êtes des personnes très intelligentes qui ont remarqué que 72 et 22 ça fait 94 et non 80. Il y a en effet 14 photos sur lesquelles il y a au moins une femme et un homme. 14 photos, cela veut dire que dans 19,4% des cas où un ou plusieurs hommes sont sur une photo, ils sont accompagnés d’une ou plusieurs femmes. Cela veut dire aussi que dans 63,6% des cas, ce sont la ou les femmes qui sont accompagnées d’un ou plusieurs hommes. En résumé, la grande majorité des femmes apparaissant dans les illustrations du canard sont accompagnées d’hommes.

Au final, les femmes sans homme représentent 10% des illustrations, les hommes sans femme 72,5%. Le déséquilibre palpable prend une tournure bien plus politique.

Les femmes en minorité…

Revenons à notre culture dominante qui accompagne la domination masculine. La société patriarcale organise le maintien des femmes dans un état de minorité. C’est moins le 3cas aujourd’hui qu’à une certaine époque, mais c’est tout de même très présent. Certains symboles d’une culture moyenâgeuse persistent les « mademoiselle » ou le fait de prendre le nom de son mari. Heureusement, on n’a plus besoin de demander au père la main de sa fille, mais il reste une sacrée autorité morale dans les représentations collectives.

Persiste surtout un phénomène social et économique en France. Les femmes sont bien plus au chômage, elles occupent 80% des temps partiels, une majorité des Smicards sont des Smicardes. Elles sont nombreuses à être en totale dépendance de leur conjoint, ce qui les pousse à accepter l’inacceptable, jusqu’à la violence et le viol. Que la grande majorité des illustrations de femmes dans le journal contienne aussi un ou plusieurs hommes, s’intègre dans ce contexte. Le directeur du journal ne se dit pas « je vais rappeler aux femmes qu’elles doivent être soumises », mais il n’y prête pas attention et participe au message selon lequel une femme, dans l’espace public, est surtout accompagnée d’un homme.

La représentation des femmes

8 femmes seules sur 80 photos c’est une chose. Mais c’est qui ces femmes ?

  • 2 femmes sont ministres : elles ont un portrait et une courte description de leur patrimoine. Le troisième ministre du Grand Sud (un homme) y apparaît également. Ce sont les seules femmes en responsabilité de l’édition.
  • 1 femme de dos se tient l’épaule dans un court article (moins de 1000 signes) sur la santé. Un air de stéréotype de genre.
  • 1 femme a le visage flouté. Le sujet ce sont les travaux derrière elle, elle est donc transparente.1
  • 1 femme est la chroniqueuse culture qui fait un coup de cœur
  • 2 femmes sont des chanteuses, l’une pour un événement catho (oh la chance), l’autre a manifestement raconté des histoires sur sa vie sexuelle la moitié de la soirée
  • 1 femme sert d’illustration pour un site de rencontre, c’est original.

Bref, déjà ça fait pas bezef, mais si on identifie les femmes nommées, on en retire encore 3. En tout, 2 femmes sont mises en lien avec les relations amoureuses ou sexuelles, 3 sont liées à la culture et une avec le care. Un petit florilège de bon sens qui mériterait que des cisailles se perdent.

Parmi les femmes accompagnées, notons en p.2 et 3, celles qui apparaissent sont dans les bras d’hommes. What else ?

Le sexisme ordinaire, c’est aussi cette culture dominante de tous les jours. Celle qui efface les femmes de la sphère publique, ou celle qui les réduit à des corps pornographiés dans les publicités honteuses. La Dépêche du Midi n’est pas connu comme progressiste, mais je vous invite à faire la même expérience avec tous les quotidiens et de remarquer comment l’actualité est faite par les hommes, pour les hommes, dans un monde d’hommes.

Romain JAMMES

Sarko II : le retour dont tout le monde se fout

Vous savez, le journalisme, c’est un beau métier. Dès la Révolution Française on comprend toute la noblesse de la profession. Le tableau de David, Le Serment du Jeu de Paume, le montre bien. Barrère dans la salle de l’Assemblée Nationale retranscrit avec précision les débat pour que le peuple soit informé. Marat, en haut à droite, tourne le dos à la salle et regarde dehors, il interprète, justifie, dénonce, bref, il est engagé dans ce qu’il fait. Chacun à leur manière Barrère et Marat font leur grande tâche de journalistes.

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Sauf qu’aujourd’hui, bah ça n’existe pas tout ça. Eux, ils ne vendaient pas du temps de cerveau disponible, ils n’étaient pas dans un trip fascisant et décérébrant. Ils se disaient pas qu’au fond, la politique c’était un peu comme Plus belle la vie mais avec un scénar en sus. Bref, c’était des journalistes. Là, je ne sais pas qui gère le casting, mais y en a pas mal que je ferais tourner à Pôle emp’. On verra si, comme l’info, ils savent créent du boulot ex nihilo.

Le vengeur masqué

Vous savez de quand date le premier sondage sur l’élection de 2017 ? La rentrée 2012. Ouais genre normal quoi. Enfin ils nous avaient fait la même en 2007 rassurez vous. Royal perdait de nouveau contre Sarkozy. La question n’était pas alors de se dire qu’en 5 ans il peut se passer des choses. Non vous savez, dans le joyeux monde de ces journalistes, rien ne change.S

Mais là, ce coup ci, le réalisateur fait très fort. Parce que le retour de Sarko qui repasse à la télé tous les mois, c’est tellement gros que ça passe avec la souplesse d’un ouragan sur la Nouvelle-Orléans. Au départ, un ponte de l’UMP le glisse, ça fait la UNE de tous les JT, et on fait un sondage parce qu’on a que ça a foutre alors que ça coûte le salaire de plusieurs reporters de terrain. Le sondage paraît, les français ne veulent pas que Zorro revienne, mais quand même il pourrait revenir RENDEZ VOUS COMPTE PUTAIN !

Sauf qu’en vrai, on s’en tape mais alors pas qu’un peu. Pour vous dire, même Beckham au PSG ça m’intéresse plus. Et concrètement, à part une poignée de militant UMP qui ne voient pas le bout du tunnel à cause des 2 demeurés qui sont pas foutus de se mettre d’accord, tout le monde s’en fou. Alors sérieusement, ce n’est pas de la création d’info ça ?

On dira que…

De la création d’info pour faire du fric peut-être. Dans la tête des éditorialistes, si on raconte pas un match de boxe permanent et viriliste, on fait pas d’audimat. Il y a que ça qui les intéresse ! Mélenchon l’est pas content, Copé l’est pas content, Le Pen l’est pas contente, Montebourg l’est pas content cont’ Ayrault, Fillon l’est pas cont’ Copé, Pierre Laurent l’est pas content cont’ Mélenchon, Placé l’est pas content cont’ Dufflot qu’est pas contente cont’ Hollande mais peut pas l’dire, Hollande l’est pas content cont’ Cahuzac, Cahuzac l’est pas content cont’ Mediapart etc… Niveau politique 10e sous-sol, on pourrait y faire de la géothermie.

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Sauf que quand on s’appelle Barbier et qu’on est resté à ce niveau primaire de réflexion, on est bien obligé de trouver du croustillant. Un flamby ça fait une politique de droite mais ça croustille pas super, Le Pen elle est caricaturale et pis bon Mélenchon c’est quand même un gros con : il est obtus et ça oblige à travailler ses fiches. Comme à l’UMP ils se font harakiri où se lance dans des diatribes homophobes, faut bien inventer un vrai conflit, un truc qui a plus de gueule que la guerre au Mali où on se croirait dans un Western sans cow-boy, sans indiens, sans petits village et donc sans shérif. Un désert quoi. Alors pour qu’on raconte toujours une ptite histoire et surtout qu’on passe pas nos JT à raconter la vie des français, bah on joue à « On dira que… »

Alors on dira que Sarkozy c’était quand même un grand président et que depuis, l’ectoplasme qui le remplace fait pâle figure. On dira que ce Sarkozy ça peut être le sauveur S4suprême façon De Gaule, Moïse etc… et qu’à défaut de libérer Paris (c’est mal barré pour l’UMP) il peut couper la mer en deux. Pour ça, on lira les fiches que nous ont concocté ses communiquant, parce que si on dit une connerie et qu’il nous contredit, patatras, toute l’histoire tombe par terre. On dira que ça intéresse les français sans dire que la plupart des gens refusent de répondre à ce genre de sondage de merde.

Masquer les vengeurs

Mais surtout, le vengeur masqué, il a l’air de masquer les vengeurs. Je veux dire, c’est pas comme si y avait rien a dire ces temps ci. Des plans sociaux à la pelle, un gouvernement qui gesticule puis qui s’aplatit, des accord Medef/Medef qui veulent être validés par Ayrault. Enfin bref, des coups de poignards sauce Jack l’éventreur. Et tout ça c’est raconté à la va-viteS5 entre 3 masculinistes homophobes qui se foutent sur des grues, un pape qui démissionne et un grabataire qui rejoint une équipe de millionnaires pas foutu de gagner contre Sochaux.

Alors oui, quand des milliers de personnes risquent leur job, des millions ont peur que ce soit aussi le cas pour eux, puis encore des millions sont de toute façon déjà dans la merde, le retour de Sarko ils et elles s’en carrent, s’en battent les couilles, les ovaires et tout ce qui va avec, ils et elles s’en moquent, s’en foutent, s’en balancent, et j’en passe.

Alors pour ne pas subir ce trip des oligarques qui se regardent le nombril et pensent que le monde tourne autour d’eux. Je vous propose des médias, des vrais : nous. Des infos sur les plans de licenciements ? Ici, ici ou ici. Sur le chômage ? Ici. Sur le Mali ? Ici. Sur le MEDEF ? Ici. Sur les masculinistes ? Ici. Sur l’équateur ? Ici.

Allez, rendez-vous chez les blogchévik.

Romain JAMMES

Médias fascistes…

Y a des nouvelles qui vous foutent hors de vous pour la journée. Je suis habitué, d’une certaine manière. Je regarde patiemment BFM-TV quand je prends mon petit dej’ le matin. Ce n’est pas que je crois une seconde les conneries qui s’y racontent, c’est que ça me donne un peu la température de ce que la culture dominante veut nous faire avaler aujourd’hui. Pour chier dans un pot, il faut y voir clair quoi.h-20-2676119-1326111879

Mais là, la magie des médias me laisse encore une fois sans voix. J’ai beau être averti, chaque fois ça me dépasse. Un sondage sort de nulle part et vient dire que le Front National est en grande partie dédiabolisé et qu’un tiers des français adhèrent à ses idées. Bon ça fout en rogne déjà, du moins quand on a un minimum de cerveau et qu’il est pas essentiellement dirigé dans la haine de l’autre. On relativise, on se dit « bon les sondages tout ça tout ça,… » mais on l’a mauvaise parce que c’est relayé partout…

Sauf que ce sondage, il ne vient pas de rien et surtout, ses résultats non plus. Est-ce que ces putains de médias fascistes, qui ont fait la pub de Le Pen pendant des années, sont pas en train de s’en féliciter ?

Investigation (n,f) : Croire sur parole un fasciste

L’investigation, chez beaucoup de médias dominants ça a une drôle de saveur. Fini les caméras cachées, les croisements d’informations, les vérifications, la preuve par les actes tout ça tout ça. Non c’était avant, bien avant, ou alors c’est des médias gauchos lus par 4 personnes. Non, la vraie modernité maintenant c’est de croire le FN sur parole.

Alors à coup de grands renforts d’éditorialistes, le Front National a tenté sa petite musique de la reconversion socialo. La mère facho a été élue présidente de son groupuscule et d’un seul coup plus personne n’a de mémoire : « hein de quoi ? Le Front National ? L’ultra-libéralisme associé à l’antisémitisme, au racisme, au négationnisme, au sexisme ou à l’homophobie ? » Bah tout ça c’est fini. C’est devenu le FN qui défend mordicus les pauvres ouvriers manipulés par des gauchistes qui « éructent » comme l’infâme Mélenchon. C’est devenu le FN qui est juste réaliste, qui exagère parfois un peu bon, mais qui s’est vachement calmé depuis que le borgne est au placard. C’est devenu un parti républicain qui défend l’augmentation des salaires, grâce à l’expulsion d’immigrés. Celui qui donnera plus d’aides sociales, en supprimant celles de immigrés et qui s’en prend avec plein d’énergie aux patrons voyous que même Parisot ne peut plus cautionner tout en prenant le soin de ne pas toucher à l’ISF histoire que la bourgeoise puisse rentrer au château après ses meetings. Des interrogations sur la viabilité de tout ça ? Ah c’est d’un autre temps j’oubliais…

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Le FN c’est le parti du peuple, le parti des pauvres laissés pour compte par l’infâme mondialisation. Quoi qu’il ait voté avant, c’est pas l’important. Quand le FN dit que tous les autres sont tous pourris, les médias aiment bien ça. Ils aiment bien parce que ça fait vendre, puis ils aiment bien parce qu’en faisant du « tous pourris » ils ont l’impression d’être indépendants. Pauvres débiles !

Le FN c’est le parti des anciens tout. Un ancien communiste ? La vache ! La caméra s’approche, le micro se tend « Je suis ancien communiste, mais je suis allé au FN parce que le PCF c’est la foire aux bou… » (la suite est coupée au montage). Nom d’une pipe ! Un ancien communiste. C’est fou ! Quoi ??? Une ancienne socialiste ? « Oui j’étais au PS mais ils font parti du système » Comme c’est beau. Mais les questions que le journaliste ne se pose pas c’est : quand ? pendant combien de temps ? est-ce que c’est vrai ? tu te fous pas de ma gueule ? Tu trouves que y a pas un problème mental dans ta conversion communo-fasco-vaguebleumariniste ? Mais ce serait trop demandé, puis ça intéresse personne hein ?

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L’investigation moderne c’est le publi-reportage. Le FN vous concocte un packaging parfait : des images, un petit story-telling, du croustillant quand même, et le fameux « recours au système UMPS ». Et en boucle pendant les législatives partielles les médias y sont allés de leurs grandes éloges, jusqu’à la grosse claque qu’a pris le FN où l’on a pas entendu une once d’auto-critique. L’auto-critique, un truc de gaucho aussi ça ! Un scepticisme sur ce virage social ? Un peu d’esprit critique sur les dossiers de presse ? Une réflexion sur les conséquences d’un tel traitement ? Non rien, nada, quedal, quetchi, walou, peau de balle…

Réalité (n,f) : monde à partir duquel des médias s’amusent à créer un miroir déformant

C’est vrai, il y a une banalisation des idées de Front National. La faute à qui ? Certes à ces bouffons de l’UMP qui n’ont pour seule stratégie que de courir derrière le lapin, de plonger dans des discussions ineptes sur les pratiques religieuses, le Hallal dans les cantines ou le danger de l’immigration. Mais faute aussi à ces médias racistes et xénophobes qui répandent cette bonne parole à qui défend un autre modèle : « mais on ne peut pas accueillir toute la misère du monde ! » « mais n’importe qui va venir ! » « mais l’immigration ça nous coûte ! » « mais déjà que y a pas de travail pour les français… » Tous ces mensonges, ces manipulations, ce ne sont pas des paroles, c’est du vomi, de la haine à l’état pur que ces décervelés recrachent comme un tract fasciste.

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Prophéties auto-réalisatrices quand des médias reprennent les éléments de langage, les arguments, les analyses des réactionnaires à toute heure, pour tout sujet, se permettant ensuite de dire que leurs idées avancent. Horde de minables prétentieux qui estimez être au dessus de la mêlée mais organisez un pogrom politique en guise de débat, pour vous plaindre ensuite que le peuple n’y trouve pas son intérêt. Je vous crache à la gueule !

Vermine puante qui comparez Marine Le Pen et Mélenchon, deux idéaux, deux méthodes, deux projets de société radicalement opposés. L’une divise et renforce le pouvoir oligarchique, pointe l’immigré, le fonctionnaire, le syndicaliste, l’homosexuel pour casser les classes et offrir sur un plateau le peuple aux puissants. L’autre rassemble ceux qui partagent des conditions de vie contre ceux qui tentent de les soumettre au pouvoir de l’argent. L’une attise les conflits religieux et parade avec les catholiques, l’autre est laïque et les range toutes dans la sphère du privé. L’une méprise le peuple et la démocratie, l’autre veut refonder la République pour donner le pouvoir aux masses. Qui banalise quoi, quand dans une bouillie infâme ces pourritures mettent ces personnes dans le même panier ?f4

Qui ment quand à Hénin Beaumont, un passage éclair de Le Pen en place public, millimétré pour ne rencontrer que des partisans, se transforme sur les écrans en bain de foule populaire démontrant l’acclamation de cette connasse ? Qui ment quand il écrit que Mélenchon se cache devant ce mouvement, n’ose pas sortir et se fait chahuter ? J’ai vécu personnellement ces scènes. Rien ne justifie un tel traitement sinon la conversion au fiel que l’extrême droite répand dans la société.

Journaliste (attribut) : individu indispensable au bon fonctionnement démocratique

Média fasciste qui fait la courte échelle au Front National. Média fasciste qui réduit la démocratie à une course hippique désintellectualisée. Média fasciste qui méprise le peuple. Média fasciste, qui diffuse ces idées racistes, xénophobes et machistes. Média fasciste qui préfère parler du Hallal imaginaire des cantines plutôt que des collusions industrielles. Média fasciste anti-parlementariste, à l’indignation calculée et sélective. Média fasciste abrutissant qui construit la société comme un spectacle permanent, une arène de gladiateurs entre toutes et tous. Qui monte des émissions honteuses où des femmes se réduisent elles-mêmes en objet de consommation, qui pousse l’individualisme et le chacun pour soi comme la valeur ultime.

Vous portez une responsabilité marquante dans l’état de l’opinion publique, dans la difficulté qu’ont les personnes comme nous qui essayons chaque jour de rallumer l’étincelle : celle du débat, celle de la création culturelle, celle de l’amour…

Romain JAMMES

Journalisme : l’investigation et la cour de récréation

Au cas où, si vous étiez enfermés dans une cave ou retenus par les FARC (en vacances en Colombie quoi) depuis quelques semaines, je vous apprends qu’aujourd’hui c’est la rentrée. Oui c’est votre 15, 20, 30 ou 40e (auquel cas je suis désolé) et, à quelques milliers de postes d’enseignants près, c’est la même cérémonie. Mais vous n’avez rien compris, c’est ça le scoop !

Sous toutes les coutures

Je vous vois venir, vous êtes du genre à crier au loup, non ? Cela fait des années qu’on entend que le journalisme d’investigation n’existe plus. On en tient d’ailleurs pour responsables les contraintes financières du système médiatique ou la volonté des patrons de presse de ne pas trop faire d’esbroufe sur les affaires qui fâchent (leurs amis). Des aventureux accusent même injustement les chaînes d’ « info » continue (vous êtes mauvaise langue je vous ai vu tiquer sur le mot info)… bref, certains accusent ces chaînes de pourrir le paysage médiatique en meublant 80% du temps (il y a bien 20% de pub).

Et bien cette année 2012, et notamment ce 4 septembre, seront inscrits dans tous les livres d’histoire comme la renaissance du journalisme d’investigation. Les chaînes d’information se sont déchainées et ont déployé tous les moyens pour que l’on sache tout, ABSOLUMENT TOUT… de la rentrée des classes.

Hier déjà, nous avions vu la famille Martin faire 4 fois l’aller-retour jusqu’à l’école (vous avez déjà fait ça vous ?) pour être sûre de pas se louper le Jour-J. La petite Valentine a acheté un sac à dos rose et range devant l’œil avide des caméras ses petits crayons dans sa petite trousse. La journaliste de terrain c’est MÊME rendue sur place malgré le danger (et c’est Tourcoing putain ! On n’y va pas par plaisir). Elle a interrogé la mère anxieuse, le père stressé, tous deux pleins de questions existentielles que personne ne se pose. Moi à l’époque, c’est à peine si ma mère se souvenait de la date. Si le journaliste était venu s’y aventurer elle aurait répondu philosophiquement comme notre ancien président : « ça m’en touche une sans faire bouger l’autre ! » Le monde change.

Aujourd’hui c’est le summum car on ne sait jamais qu’après les multiples répétitions il y a quand même un truc qui foire. On suit donc la famille de A à Z. On analyse la composition du petit déjeuner : lait, céréales, jus d’orange. C’est si passionnant qu’on se demande pourquoi Tchekhov n’en a pas fait une pièce. On refait le chemin… ATTENTION ! On s’arrête au feu rouge ! On attend devant l’école. La journaliste reprend le flambeau : « Est-ce que les grilles vont s’ouvrir ? À quelle heure ? Est-ce que Mathilde va se faire des amis ? » (Moi à l’époque j’avais couru derrière un enfant en l’appelant Romain parce que je croyais que c’était moi). Une fois dans la classe on interroge l’instituteur qui a franchement autre chose à foutre. Et on passe ça 20 fois dans la journée pour le CP, les 6e, les 2nd etc…

Le nouveau journalisme

Le pire dans tout ça, ce n’est pas tant qu’on ne parle plus du traité Hollande/Merkel/Sarkozy (je pourrais dire Merkollande mais c’est vraiment moche), c’est que les nouvelles normes du journalisme sont ainsi faites. Il y a des bouchons ? On interroge une personne dans les bouchons pour savoir ce qu’elle en pense. Il y a la queue au supermarché ? On va demander le ressenti des clients à la sortie, où la manière dont ils se sont âprement préparés à affronter cette épreuve digne du quotidien de l’URSS. DSK est cloîtré chez lui ? On interroge les passants jusqu’à ce que la porte s’ouvre, 26 heures plus tard. Johnny va mourir (et non pas ce coup-ci je vous ai fait une fausse joie), on interroge les fans pour comprendre Ô combien ils en seraient tristes ! Il ne se passe presque rien ? On interroge tout le monde là-dessus pour que ça devienne quelque-chose.

Cette discipline, on la connaît. C’est ce qu’on faisait au collège dans les rédactions ou les devoirs d’histoire. C’est qu’on faisait aussi beaucoup plus tard quand on savait rien mais qu’on devait, pour la forme, remplir 2 copies doubles. On blablate, on se répète, on invente, on paraphrase, on gesticule… C’est aussi décérébrant que Dora l’exploratrice.

Alors le journalisme d’investigation est en pleine renaissance, oui ! Sauf qu’aujourd’hui, puisqu’on peut plus s’interroger sur les affaires de corruption, sur l’application des politiques publiques et sur les conflits d’intérêt, on fait de l’investigation sur du vent. Et ça, croyez-moi, c’est balèze !

Romain JAMMES

Ces sportifs qui s’en prennent aux journalistes…

Un air de déjà vu…

Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais c’est rudement à la mode ces temps-ci de s’en prendre aux journalistes. Alors on connaissait déjà quelques hurluberlus de la trempe de Cantona qui cognaient dans le tas mais ce coup-ci je flaire un truc un peu différent qui mérite qu’on s’y attarde.

Parce que bon, on peut dire ce qu’on veut mais Onesta et Karabatic ne sont pas Cantona (avec tout le respect que j’ai pour eux). Alors le petit saccage du plateau de l’Equipe TV dénoncée avec les mots les plus durs par toute la presse a de quoi interroger. Et en effet, ce n’est pas sans raison (ni, certes, sans alcool dans le sang) que nos chers sportifs se sont adonné au déménagement. À plusieurs reprises le journal a été particulièrement amer avec le sélectionneur et n’a pas hésité à interpréter plus que moyennement la forme physique des athlètes. On avait dit pas le physique bordel ! Evidemment, replaçant les choses dans leur contexte et surtout quand on connait la portée du journal l’Equipe, on se dit que ces réactions ne viennent pas de rien.
C’est d’ailleurs le cas de toute personne à peu près normalement constituée. Car si Samir Nasri a insulté un journaliste pendant l’euro de football, ce n’est surement pas par plaisir. Vous avez entendu quelque-chose à ce sujet ? Moi pas ! Cette histoire des handballeurs en rappelle donc bien d’autres. Cantona que je citais, Zidane victime d’un vrai harcèlement à son entrée au Réal de Madrid, etc… Le drame dans tout ça, c’est que le journaliste, lui, il se sent tout à fait dans son rôle. Il écrit des immondices quand sa rédaction lui demande, il considère que c’est un devoir pour toute équipe qui vient d’être championne Olympique de monter sur un plateau TV alors qu’à choisir entre se la coller pour fêter ça et des projecteurs dans la gueule… vous comprenez la suite. Une réaction assez coutumière au final.

En politique

Et cette réaction, elle n’est pas qu’en sport. En politique, le journaliste est Roi et s’y croit vraiment, si bien qu’il agit en considérant bien que c’est lui fait l’élection. Un pouvoir qui transforme complètement le rôle de la presse dans une démocratie moderne. La preuve de cette aliénation je l’ai eu devant mes yeux à plusieurs reprises pendant la campagne en accompagnant Mélenchon. Une fois même, à Grigny, nous devions pousser plus loin des journalistes qui empêchaient le candidat d’aller voir les habitants rassemblés dans un gymnase.

  • Scandalisé un journaliste me dit alors : « Si vous faites ça je ne vais pas avoir des images correctes à donner et vous n’aurez aucun traitement médiatique ! »

Ça vous donne une idée de la pression qu’ils entendent mettre sur un Service d’Ordre qui à autre chose à foutre que de virer des journalistes mais qui est juste là pour pas que y ait de débordement.

  •  J’ai donc patiemment répondu : « Mais vous savez, Jean-Luc Mélenchon ne vient pas à Grigny pour voir des journalistes. Il vient à Grigny pour voir des Grignois. Vous êtes Grignois monsieur ? » Bien sur il s’est tût.

Les médias se permettent donc à peu près tout, même les plus gros mensonges en direct et déforment de toutes les manières possibles la réalité. Là encore, j’ai quelques exemples en tête mais passons… Cela passerait si le journal assumait une ligne éditoriale allant dans ce sens et les critiques qui vont avec. Mais aucune riposte n’est acceptable sans qu’apparaisse une réaction corporatiste caricaturale.

« Nos confrères »

Car la presse attaque, mais se défend, et de quelle manière. Si je suis le premier à dire que les médias ont un rôle à jouer dans notre démocratie, brandir à tout bout de champ cet argument fini par l’éroder quelques peu. D’autant que c’est particulièrement mal habile. Prenons le cas Nasri. Le journaliste de BFM-TV que j’ai pris en flagrant-délit (lol) de corporatisme primaire a quasiment expliqué la défaite de l’équipe de France en quart de finale à cause de l’insulte du joueur envers un « confrère » journaliste. Il faut oser ça, non ? Les exemples avec Mélenchon sont légions, quand il se fait insulter de tous les noms, y compris traité de fasciste, et que la moindre remontrance le fait passer pour le diable…

Cette réaction des journalistes est d’autant plus insupportable qu’ils insistent abondement sur leur « confrère » victime de la forfaiture. LA – GROSSE – BLAGUE ! Mais ils ont fumé quoi les journalistes ? Vous savez dans quel genre de groupes les membres s’appellent des confrères ? Les ordres. Oui y en a quelques-uns : les avocats, les médecins,… Ces ordres sont munis de règles éthiques (serment d’Hypocrates,…) qui doivent être respectées sous peine de radiation.

Est-ce que le journalisme est un ordre ? Non. Est-ce qu’il y a une seule règle éthique qui doit être respectée par les journalistes ? Non. Les journalistes ont toujours rêvé d’être un ordre, mais ne le sont pas en droit pour la simple raison qu’on est journaliste (avec sa carte de presse) parce qu’on est payé pour faire des articles (ou des reportages, des photos…bref) indépendamment de ce qu’il y a dedans. C’est comme ça, c’est la règle. Est-ce qu’on peut radier quelqu’un du journalisme ? Bah pas vraiment non, une entreprise peut le virer s’il ne fait pas le boulot demandé, voilà tout. Sinon ça ferait longtemps qu’un bon nombre de « journaliste », de Apathie à Barbier, pointerait à pôle emploi comme 10% de la population active dont ils se moquent à longueur de temps… Alors serait-ce une bonne idée ? Oui, surement.

Tout ça pour dire, que ces sportifs qui s’en prennent aux journalistes, au final, ils ont bien raison…

Romain JAMMES

édit. : Je tiens à préciser que j’ai une très haute opinion du journalisme et que je ne mets pas tout dans le même tas. Malheureusement ce sont les élites journalistiques qui définissent les valeurs, les systèmes de légitimation et les modes de production du champs journalistique. Et les pratiques et représentations des journalistes précaires sont ainsi structurées et souvent intégrées. Cet article n’a pas prétention à être exhaustif mais plus à passer un coup de gueule pour créer le débat.