Grand écart et foutage de gueule à EELV

Je sais pas ce que vous en pensez, mais j’ai comme l’impression que la période sent sacrément l’hypocrisie. Je ne veux pas faire croire que d’habitude c’est tout beau tout gentil. Sauf qu’aujourd’hui on a de belles perles. On se demande jusqu’où ça peut aller… 


Notre gouvernement aime bien rappeler qu’il est de gauche. Enfin disons qu’il le rappelle aussi souvent que ses actes le contredisent. Il fait des courbettes au MEDEF, fait passer un traité préparé par Sarkozy et se lance dans une course à l’austérité avec une rapidité fulgurante. C’est la droite qui doit l’avoir mauvaise, pendant qu’elle se chamaille, le gouvernement PS-EELV la double sur son credo économique. Chapeau l’artiste !

Mais au fond, on s’y attendait un peu. On veut changer le monde, mais bordel, on n’est pas si naïfs. Nous, ce qui nous étonne le plus, c’est la capacité des Verts à jouer double jeu. On est pas loin du jour où ils tiendront la pancarte et la matraque dans l’autre main. Et moi qui croyait que l’auto-flagellation concernait une poignée de demeurés… Bienvenue dans le docteur Jekyll et Mister Hyde politique.

L’Austérité verte 

Docteur Jekyll chez les verts, dans l’idée, c’est pas le chantre de l’austérité. Ce serait même plutôt l’inverse. Quand on coupe à ce point les dépenses publiques, on se donne pas franchement l’opportunité de faire une transition écologique de notre industrie. On lance pas des campagnes d‘isolation des logements pour accompagner la tarification sociale histoire que ce soit pas une guerre aux plus précaires. Et forcément, on investit pas dans la recherche ou dans la production de nouvelles sources énergies. Bref, l’austérité verte, c’est pas trop ça. 

Pourtant pour Mr Hyde c’est pas si évident. Le soutien à la construction néo-libérale de l’Union Européenne n’est plus un secret, y compris les politiques les plus meurtrières pour les services publics de production d’énergie ou de transport. Quand Docteur Jekyll manifestait contre les plans d’austérité imposés à la Grèce, Mr Hyde votait les aides associées à ces plans. Une sacrée schizophrénie qui s’amplifie quand Mr Hyde est partie intégrante d’un gouvernement qui fait passer le TSCG quand Docteur Jekyll s’y oppose à l’assemblée. Bien sur, il y a du Mr Hyde chez les députés aussi car repousser le TSCG mais valider des deux mains le budget qui en découle, c’est pas le summum de la cohérence politique. C’est le pire budget depuis la libération. Ça n’empêche pas les militants (Jekyll) EELV de venir quand même la gueule enfarinée dans les manifestations dénonçant cette politique. Mieux, les dirigeants viennent même participer aux meeting comme ce Jeudi à Toulouse. Je sais pas pour vous mais moi il y a un « je ne sais quoi » qui m’agace…

La Répression verte

Docteur Jekyll, il participe à des combats clés dans notre société. Il est très impliqué avec Jeudi Noir ou le DAL par exemple. Ce Jekyll là je le respecte beaucoup. Le problème c’est que ça ne semble pas vraiment gêner Mr Hyde (au gouvernement) que les réquisitions citoyennes de logement soient expulsées avec encore plus de zèle que sous Sarkozy. Mr Hyde il est bien là ou il est, avec des œillères il se sent à sa place, avec une muselière il fait pas d’esbroufe. Tout va donc bien dans le meilleur des mondes.

Mais le pire, c’est que Docteur Jekyll est à la pointe de la lutte contre l’aéroport Notre Dame des Landes. Il a raison. Ce projet n’a pas de sens au regard du progrès que doit accomplir notre société. Alors qu’il devrait chercher à sortir des énergies fossiles et carbonées, le gouvernement s’attache à une lubie des années 60 qui va détruire les bocages et leur biodiversité. Docteur Jekyll ça l’horrifie, forcément, tout comme moi. Evidemment, derrière tout ça il y a une belle collusion de fortune avec Vinci qui dispose du terrain pour 50 piges. C’est que Mr Hyde, il a des amis qui ont des amis… Et tout ce beau monde au final, ça fini par oublier tout sauf le gros paquet de fric qui est en jeu. Ah le jour où ça va se manger, Mr Hyde sera un grand industriel de l’agroalimentaire.

Quoi qu’il en soit, Docteur Jekyll s’oppose au projet que Mr Hyde soutienT. Alors que les amis de Mr Hyde gazent, tabassent et délogent Docteur Jekyll et ses potes, Mr Hyde dit en grande inspiration que s‘il était pas ministre il serait bien au côté de Docteur Jekyll. Sauf que Mr Hyde, il est trop content d’être ministre, mais on commence sérieusement à se demander pourquoi vu la ligne politique qui s’y applique.

En vérité, dans cette histoire, j’ai beaucoup de respect pour le Docteur Jekyll. Mais il faut qu’il comprenne qu’on finisse par prendre très mal, en tant que militant, d’avoir des forces politiques dont les Mr Hyde sont de l’autre côté de la barricade. Mr Hyde a une belle agence de com’ qui lui permet de rester dans ses pantoufles tout en masquant son manque de courage politique. Docteur Jekyll se fait un peu avoir dans l’histoire et j’aimerais bien qu’il se reprenne un peu, parce que l’impression que les Verts se foutent un peu de notre gueule fait dangereusement du chemin…

Romain JAMMES

Un octobre à Notre-Dame-des-Landes…

Elle squatte notre blog, mais au final on s’y fait. Claire, on finirait même par apprécier. C’est qu’elle a de très bonnes fréquentations cette femme là. Alors derrière ses sourires Hollywoodiens et ses nez rouges on fini par découvrir un personnage qui vaut le détour. D’ailleurs ses textes sont des petits voyages, alors laissez vous guidez et attachez vos ceintures : nous partons pour Notre-Dame-des-Landes.

Si vous avez les oreilles qui sifflent, c’est normal, c’est le changement qui décolle

Embarquement immédiat

Mesdames, Messieurs, bienvenue à bord ! C’est avec grand plaisir que je vous accueille dans notre tout nouvel airbus 444. Mon nom est Victoire et c’est moi qui vais vous accompagner tout au long de ce voyage.. Installez-vous confortablement dans vos sièges flambant neufs – et en matériaux recyclés évidemment, nous allons bientôt décoller. Ma collègue passera parmi vous dans un instant pour vous apporter de quoi vous restaurer. En attendant, j’aimerais vous rappeler que vous êtes dans un aéroport in-ter-na-tio-nal, un vrai hub au summum de la modernité, qui n’a été conçu que pour satisfaire vos besoins les plus exigeants. Je tiens à vous le rappeler parce que ça n’a pas été facile d’en arriver là, il a fallu venir à bout d’individus des plus enragés, qui s’étaient mis en tête de s’opposer au progrès.

Ces gens là ne comprenaient pas – je pense d’ailleurs qu’ils n’avaient tout simplement pas les capacités intellectuelles pour le concevoir – que notre salut résidait précisément dans la construction de cet aéroport. Ils nous expliquaient que l’on pouvait très bien se satisfaire de l’ancien aéroport de Nantes, comme si c’était raisonnable de se contenter de ce qu’on a déjà alors qu’on pourrait avoir plus grand, plus beau, plus fort. Je ne dis pas, il marchait bien cet aéroport, et c’est vrai qu’il n’était même pas utilisé à plus de 35 % de ses capacités, mais nos experts étaient formels, l’explosion de la fréquentation était imminente, c’était donc un vrai problème d’intérêt(s) général. Notre bien-aimé premier ministre Jean-Marc Ayrault, qui était maire de Nantes à l’époque, l’avait bien compris et faisait tout son possible pour réduire au silence les vociférations insupportables de la poignée d’anarchistes qui s’opposaient absurdement au projet. De vrais déséquilibrés, je vous assure.

Écolos, Fachos ! 

Ils refusaient catégoriquement de contribuer à l’effort national pour augmenter la Croissance, et préféraient jouer dans leur coin à Bob le bricoleur, cultiver des légumes et fabriquer du pain. Vous comprenez bien qu’il était inacceptable de laisser cette cinquantaine de barbares moyenâgeux occuper inutilement des terrains aussi précieux pour l’avenir de notre pays. Les paysans, c’est bien, mais faudrait pas non plus qu’ils nous empêchent de vivre ! D’autant plus qu’il n’y avait pas que des agriculteurs. Ils avaient été rejoints par des vauriens, des squatteurs, qui prétendaient tenir à cette zone boueuse – soit-disant extrêmement importante du point de vue de la biodiversité. Tout ça pour quelques grenouilles, non mais vous vous rendez compte ! On ne s’appelle pas Brigitte Bardot non plus ! L’écologie, on en entend assez parler comme ça, on a des ampoules à basse consommation et puis on paie une taxe sur nos émissions de gaz à effets de serre, ça suffit pour préserver la planète, non ?

Le pire, c’était leur arrogance. Non seulement ils passaient leur vie à emmerder le monde, mais en plus, ils osaient nous donner des leçons sur la manière d’utiliser les fonds publics ! Un comble. On n’allait quand même pas gaspiller de l’argent pour soigner les pauvres – ou pire, les sans-papiers ! – ni financer des profs pour les sales mioches des banlieues ! De toute façon, c’était un faux prétexte, ces gens ne vivaient pas dans la réalité, ils n’avaient même pas la télé! Vous faudrait que vous lisiez la lettre sans queue ni tête qu’ils avaient envoyé un jour au préfet, pour mesurer leur état de folie. Selon eux, c’était nous les agresseurs, nous qui portions atteinte à la propriété privée, nous qui nous moquions de ce que nous allions laisser aux générations futures. Un vrai tissu d’inepties sans queue ni tête : que seraient-elles aujourd’hui, les générations futures, sans cet superbe aéroport ?!

La Guerre d’Octobre 

Si nous avons du subir ces affronts pendant trop d’années, c’est parce qu’à l’époque, on devait encore faire semblant d’être dans une « démocratie », et donc attendre les autorisations juridiques pour lancer l’assaut. Mais nous avons toujours maintenu une pression formidable pour les atteindre psychologiquement. Vous auriez du voir ça, présence policière plus ou moins pacifique, lettres d’expulsion et j’en passe. Eux répliquaient par quelques slogans peints sur de vieux draps, c’était ridicule. Et puis, en octobre 2012, on a décidé que ça suffisait. Il faut dire que la trêve hivernale allait bientôt arriver, et que ça aurait fait mauvais genre de les expulser après. Alors un beau matin, ce fut le grand débarquement dans la ZAD (Zone à Détruire) : 500 gendarmes mobiles, des hélicoptères, des bulldozers.. Quel spectacle grandiose ! Cette puissance, cette démonstration de force, c’était impressionnant, vraiment. Nos pseudo-rebelles faisaient pâle figure, je vous le garantis. On aurait dit de vulgaires petites fourmis qui s’agitaient en vain, tentant de repousser provisoirement l’inéluctable fin. Ah, c’est sûr qu’ils se battaient comme des chiens enragés. À force de vivre dans les marécages, ils étaient devenus coriaces !

Enfin tout ça est derrière nous maintenant. Quand j’y repense, j’en ai encore des frissons. On a vécu des moments intenses, inoubliables. Imaginez-vous, ils étaient là, à lancer des épis de maïs sur les forces de l’ordre! Mais vous pensez-bien qu’en face des gaz lacrymogènes et des tazers, ils ne faisaient pas le poids. Ils avaient beau construire des barricades, s’attacher aux toits de leurs cabanes, bloquer les routes, nous étions les plus forts, et les plus nombreux. Assister à l’avancée inexorable des bulldozers, voir les maisons s’écrouler une à une jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un tas de pierres fumant, ça n’a pas de prix.. On les a traqué jusqu’au bout. Tout a été massacré : les champs, les jardins, les habitations. Le plus jouissif, c’était de voir leur visage. Un mélange de haine, d’écœurement et d’impuissance. Ah, elle portait bien son nom, l’opération « César » ! C’était nous, les empereurs, les maîtres absolus du moindre carré de terre ! Tout nous appartenait, tout était à notre merci. Mais vous connaissez ce sentiment, n’est-ce pas ? Si vous êtes ici, dans cet airbus 444, c’est parce que vous faîtes partie de cette élite qui peut s’offrir le luxe de voyager en avion.. Allons, portons un toast : À la victoire du capitalisme financier sur l’outrecuidance de ces illuminés, sur l’insolence de leurs revendications et de leur lutte !

Claire Batailler

Note de l’auteure : Et si… on écrivait une autre histoire, tous ensemble 

http://lutteaeroportnddl.wordpress.com/