Ah Marseille, la ville la plus vieille de France. Ça faisait longtemps qu’elle me murmurait à l’oreille comme une sirène. Son accent, le bruit inlassable de la mer qui vient frapper les rochers. Les couleurs vives de la Provence, le chant des cigales qui gratte les oreilles.
C’est la ville de mon club de cœur, peut-être le premier que j’ai vu devant la télé, encore tout gosse. La « ville phocéenne« , référence historique préférée (la seule peut-être) des commentateurs de foot. La ville de Pagnol dont les pièces alimentent encore mon imaginaire gourmand. Celle d’Akhenaton qui rythme le battement de mes souvenirs d’adolescent. C’est cette ville dont on dit tant de mal et qui est pourtant si attirante. Celle des fusillades mais aussi celle dont Jean-Marc Rouillan disait qu’elle était « la dernière ville libre de France ».
Alors Marseille, qui es-tu ?
Une concentration hétérogène
Marseille, c’est d’abord du mélange. Quoi de surprenant ? C’est la Méditerranée : la mer du berceau de l’humanité. Elle est à la croisée des chemins depuis d’Antiquité. On se balade sur le Vieux Port touristique, les marchands vendent le poisson du matin, la musique anime les pas des badauds et les mats tanguent par dizaines sous le regard bienveillant de la Cathédrale La Major. On fait le tour avec un regard curieux, jusque-là rien de bien surprenant. Les marcheurs convergent vers le Fort Saint-Jean, longtemps inaccessible, puis vers le MuCem, symbole de la chape culturel de l’Europe cette année (bah oui quoi). C’est le tourment de la ville moderne : réhabiliter son patrimoine tout en le vendant aux grandes enseignes.
En marchand vers le Panier, la ville se teint un peu. On y voit les marques des quartiers populaires, la gentrification y pointe son nez mais déjà les têtes et l’ambiance ont changé. On y aperçoit les murs de graph et les places intérieures qui ont vu des centaines de match joués et rejoués par tous les gamins du quartier. Quelques minutes de marche encore et on prend une nouvelle claque. Nouaille ouvre ses portes avec son marché permanent. On croirait avoir fait des centaines de kilomètres mais on est à deux rues des bouillabaisses pour Parisiens. Les bâtiments sont plus sales, abandonnés pour certains, un mélange savoureux entre Barbès sans les voitures et Arnaud Bernard un jour de marché. Les rues sont bondés, je souris.
On monte encore jusqu’à La Plaine et ses bars colorés. Les murs sont d’immenses toiles et les artistes se bousculent. Le soir l’ambiance est inimitable. Les groupes passent de bar en bar, puis se posent simplement sur la place avec de quoi fumer et une guitare. Enfin, bifurcation vers le Sud, au pied de Notre-Dame de la Garde, où les vieux boulistes, pipe au bec, croisent les jeunes du city-stade d’à côté. La vue depuis les hauteurs nous rappelle où nous sommes. Déjà la taille de la ville impressionne. Et ce n’est qu’un début…
Un p’tit coin de paradis
Marseille c’est 50 kilomètres de côtes. De quoi avoir le vertige. Comme on ne peut pas tout faire en un jour, on décide de prendre la corniche depuis le sud du Vieux Port. Petite halte au Vallon des Auffes, on salive devant chez Fonfon, les poches un peu trop vide. On admire ce coin hors du temps à deux pas de la fourmilière citadine. On longe la côte sous un doux soleil, on envie ces belles baraques, s’imaginant au petit déjeuner devant l’horizon turquoise. On admire les monuments tournés vers la mer et les peuples qui la partagent.
Plus loin, c’est le Prado et le souvenir qui l’accompagne, ce 10 avril, noir (et rouge) de monde pour venir écouter Mélenchon. Nous étions quelques-uns sur le pont de 3h30 du mat jusqu’à la fin du rangement. Une petite musique nostalgique bourdonne dans nos oreilles. Puis nous filons encore plus au Sud.
Marseille, c’est la jungle urbaine et des lieux magiquement calmes. Les madragues défilent devant nos yeux curieux. Petits villages de pêcheurs s’imagine-t-on. Il n’y a plus que de petites maisons serrées, les rochers prédominent progressivement, jusqu’à séparer de minuscules ports éparses comme les Goudes ou Callelongue. On y croit à peine. Un coin de paradis dans la 2e ville de France. On se croirait il y a des siècles quand on oublie les voitures. On prend un verre dans un silence admiratif. On profite d’un instant, comme si on avait soudainement fait irruption dans un tableau de Monet et qu’il fallait, pour l’occasion, garder la pose…
Ces fameux quartiers nord
Le retour est rude, la nuit arrive et la brume tombe entre les mâts blancs et les petites ruelles. L’occasion de voir l’autre Marseille. Le côté que la presse adore mettre dans les gros titres pour casser la baraque. Un tour en voiture nous montre cet envers du décor. Quelques camps de Roms en pleine ville. Des femmes et des hommes installés dans des rues pour attendre l’ouverture matinale d’un marché de fortune. On garde la place au chaud, elle vaut cher.
On longe la Castellane, le quartier a un air de déjà vu. Finalement, Banlieue parisienne, Toulouse, Marseille, elles se ressemblent toutes. Est-ce qu’il y aurait une internationale urbaniste ? L’atmosphère ne change pas d’un poil, elle est aussi figée que le petit port des Goudes. On écoute Iam et on se dit : « merde, ça fait presque 20 ans et ça a pas changé. » Des vigies sont à chaque entrée pour surveiller les entrées et sorties. La tension est palpable, mais tous les Marseillais-es nous l’assurent : « si tu fais rien contre eux, ils feront rien contre toi ». Entre Plus belle la vie et le JT catastrophe. On a testé la réalité, et on vous la conseille.
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Bref, Marseille, une ville magnifique pour son tout. Magnifique pour sa population à l’image du mélange méditerranéen, magnifique pour son histoire, sa population et ses conflits. La « dernière ville libre » a de quoi être fière, elle résiste au rouleau compresseur qui écorche les territoires, celui qui découpe tout ce qui dépasse, la nouvelle internationale urbaniste qui construit la ville contre la « commune ».
Avant le départ, je rencontre Sophia. Encore un nom qui respire Notre-Mer. Vous en entendrez parler bientôt… très bientôt ! *musique de suspens, tout ça tout ça*