Un coup d’état permanent

La mondialisation est souvent prétexte aux discours pompeux sur l’impuissance croissante des États. Il m’apparaît donc important d’aborder un phénomène qui découle de cette domestication de l’État par notre divin marché : « l’état d’exception permanent »

J‘entends déjà certaines de vos réactions : « qu’est-ce qu’il nous raconte encore ? », « il va encore nous sortir ses théories fumeuses venues tout droit de récits d’anticipation! » .

Mais je commencerai pas répondre à :

« Mais c’est quoi ce truc ? »

« L‘état d’exception » nous vient d’un concept remontant à l’antiquité romaine : « la dictature », évoquée notamment par K. Marx lorsqu’il parle de « dictature du prolétariat ». Je vous vois déjà, là, à frissonner dernière vos écrans d’ordinateur, en imaginant les chasses à l’homme orchestrées par Sylla, les têtes coupées sous la dictature du populiste Marius ou les majestueux procès staliniens. Mais n’ayez crainte cher(e)s ami(e)s, en dehors de ces phénomènes folkloriques, il y a eu de multiples exemples beaucoup moins sanglants de ces suspensions de l’ordre constitutionnel tout au long du XX ème siècle. L’exemple le plus connu est d’ailleurs la seule utilisation de l’article 16 de la Constitution lors de la crise dite du « putsch des Généraux» de 1961, lorsque des militaires partisans de l’Algérie française ont tenté de renverser le Général de Gaulle

Proscriptions sous la dictature de Sylla

Il y a, il ne faut pas l’oublier, un second élément dans cette définition. Il s’agit du côté anecdotique et provisoire de « l’état d’exception », (hé oui s’il y a ex-cep-tion !!! c’est pas pour les chiens). Donc, pour ceux qui ont Alzheimer, la dictature (ou « l’état d’exception »), c’est une suspension provisoire de l’ordre constitutionnel pour répondre à un péril imminent. Tout comme « le droit de résistance », « l’état d’exception » s’oppose au droit, au nom du droit.

Une république qui faiblit, qui coule et qui fait « blic blic blic »

Le problème est que ce phénomène, est devenu un « paradigme de gouvernement ». Émancipé des contraintes temporelles, il est aujourd’hui un concept politico-juridique durable. Accentué par les attentats du 11 septembre et la guerre contre le terrorisme, qui n’ont laissé aucune législation intacte, le phénomène a en réalité été amorcé dès la première guerre mondiale lorsque les belligérants ont dû mettre en place des lois d’exception.charb5-10939698blvuv

C‘est à partir de cette époque que l’on a assisté à un effondrement progressif de la division des pouvoirs. Ce qui nous permet aujourd’hui d’observer conflits d’intérêts sur conflits d’intérêts. Les comptes helvétiques de Cahuzac, les magouilles de notre Tapie hexagonal, etc… etc… sont parfaitement révélateurs du système dégueulasse qui s’est mis en place. Le pouvoir exécutif ayant pris petit à petit le pas sur les pouvoirs législatif et judiciaire, notre 5ème République a finalement donné naissance à un machine politique clientéliste, pour ne pas dire mafieuse.

J‘espère que vous ne m’en voudrez pas mais j’aimerais passer les arguments maintes et maintes fois ressassés autour de l’hyper-présidentialisation de notre régime. Oui et oui, c’est un problème. Mais ce qui m’inquiète depuis quelques temps, c’est la normalisation du « gouvernement par décret ». Le décret (norme émanant de l’exécutif ayant force de loi) est devenu sans que personne ne s’en offusque, une manière comme une autre de légiférer ; puisqu’il faut être capable de répondre le plus rapidement possible aux injonctions du Grand Marché Tout Puissant. Et même si les décrets sont validés par le parlement, la banalisation de cette pratique a eu pour effet de transformer les assemblées en de simples chambres d’enregistrement à la botte de l’exécutif. Alors fini les longs débats et les fastidieux discours de l’Assemblée Nationale qui sont pourtant nécessaires à la vie démocratique d’un pays. Face à l’impératif économique, les débats ne peuvent avoir lieu. Certains vous diront d’ailleurs qu’ils sont inutiles, puisqu’une seule politique est possible. Il nous devient donc impossible de proposer des politiques alternatives.

Comme bel air de Wagner 

Laissons de côté pour l’instant cet aspect pour en venir à des considérations un peu plus matérielles.

« L‘état d’exception » s’incarne concrètement sur le territoire. La prison de Guantánamo en est un exemple particulièrement criant. Les États-Unis y enferment des individus sous le titre de « combattants illégaux » et non de prisonniers de guerre. Ils n’ont donc pas de statut juridique clairs, ce sont des êtres juridiquement inclassables. Et sans vouloir marquer des points Godwin, cette situation ressemble étrangement à celle des Juifs des Lagers nazis. Dans les deux cas les individus ne sont pas seulement privés de droit mais sont considérés extérieurs à toutes juridicité. Et comme en France, nous produisons un certain nombre d’Eichmann en puissance (policards et fonctionnaires complètement aliénés), nous faisons la même chose avec les roms et les sans-papiers. C’est notamment en ça, que « l’état d’exception » est devenu un paradigme de gouvernement, transcendant à la fois les partis et les frontières.

A part ça, ce phénomène politique s’explique par l’avènement de l’ère atomique. Le nucléaire en termes d’infrastructures, de gestion de risque, a obligé à un accroissement du pouvoir de l’Etat. Cela était inévitable pour pouvoir mettre en place correctement les structures organisant la production et la circulation de l’énergie nucléaire que ce soit dans le civil ou le militaire. Et vous comprendrez, qu’il a aussi insinué une extension du secret d’État, limitant par la même l’espace publique. Les conflits ont alors été modifiés par l’équilibre de la terreur, ce qui a laissé place à une augmentation des conflits secondaires (guerres civiles, terrorisme, antiterrorisme). Nous avons par conséquent vu s’estomper la frontière entre guerre et paix, justifiant l’avènement d’un état de violence permanent.

« L’état d’exception permanent », vous le comprendrez bien, n’est donc pas le résultat de restes monarchiques ou absolutistes, ni la persistance cafardesque de l’Ancien Régime. Ce phénomène est un pur produit de nos systèmes démocratiques occidentaux. Quelles conclusions devrions nous donc en tirer ?

« L‘état d’exception » a suivi comme son ombre la construction démocratique, mais cette ombre s’étend aujourd’hui au point d’éclipser nos démocraties. Cela relève du lien intime entretenu entre la violence et le droit. En délimitant la violence légitime et celle qui ne l’est pas, le droit porte en son sein la violence dont « l’état d’exception » est l’incarnation. Pour cela, seule une activité révolutionnaire, visant à transformer les institutions, peut trancher ce lien étroit. Il s’agit donc de faire advenir un réel « état d’exception », c’est à dire l’élection d’une assemblée constituante, pour mettre fin à ce système politique où le peuple est écarté, et les chambres méprisées.

YAGOUBI Florian

On a testé pour vous : rencontrer Angela Davis !

L’annonce de la venue d’Angela Davis à Toulouse avait secoué un peu la sphère militante. L’Utopia mettait en vente quelques places de son nouveau film qui ont disparu plus vite que des pains au chocolat devant une école. Un peu déçu, je m’étais contenté de l’édition spéciale de l’Huma dont l’encre coulait déjà de mes chaudes larmes impossibles à retenir. Putain, Angela Davis quoi ! C’est comme si Rosa Parks venait prendre un café à la maison.

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Oui mais voilà, ce jeudi, je reçois un SMS salvateur qui vient m’annoncer qu’une place est orpheline. Indigné par ce cruel abandon, je saute sur l’occasion et me lance dans une course poursuite avec le temps jusqu’au centre ville. Ma carte de transport, je l’ai prêté à un Cgtiste pour le congrès, ma sacoche est dans ma Ferrari au sous-sol. La borne de Vélo joue la loose et refuse ma carte. Me voilà à courir contre l’Autant sur les boulevards jusqu’à la prochaine. Je manque de tuer 3 personnes et arrive juste à temps pour l’ouverture des portes. Personne ne peut m’arrêter, pas plus qu’elle !angela4

Une petite histoire

Trève de lyrisme, la véritable épopée, c’est elle qui l’a faite. Angela Davis, c’est une fille de famille bourgeoise afro-américaine. Elle fait des études tout bien comme il faut, et part même en Europe pour les finir. Pendant tout ce temps, elle jette un œil envieux aux mouvements de résistance des afro-américains. Une fois retournée au pays, une polémique la met en lumière : son renvoi de l’Université de Californie pour son activisme politique. En filigrane, ça fait chier le gouvernement qu’une militante Che-Lumumba Club et des Black Panthers soit prof d’université.

Pour Angela, la libération des noirs passe par une révolution socialiste. Son féminisme, lui, découlera logiquement de sa volonté d’égalité et des freins qu’elle va subir, y compris dans ses propres organisations dans lesquelles la mise en avant d’hommes noirs comme leaders est théorisée.

Le procès

Je vous spoile pas la fin vous devez la connaître. Angela Davis s’engage dans le comité de soutien aux Frères Soledad, des prisonniers noirs américains accusés d’avoir assassiné un gardien après la mort d’un de leurs codétenus. Elle est accusée d’avoir organisé et participé à une prise d’otages qui a fini dans le sang, tuant notamment le plus jeune des frères.

Aussitôt elle est placée dans les 10 femmes les plus recherchées du FBI et traquée dans tout le pays. Une fois arrêtée, des comités de soutien se forment partout dans le monde pour sa libération. angela5Tout le monde regarde son procès sous l’angle de la lutte contre le racisme aux États-Unis et par extension dans le reste du monde. D’autre sous l’angle de la répression des communistes aux Etats-Unis. Finalement, les accusateurs vont choisir l’angle de l’amoureuse transie comme point d’attaque. Evidemment, le petit crâne des hommes blancs supérieurs qui mènent cette chasse, Angela Davis est une femme, donc sujette à des émotions incontrôlables la poussant à faire les crimes en question. La contre-attaque est toute nommée et va être la brèche à travers laquelle la défense va faire libérer la militante !

Les leçons

Allez bon, l’histoire, elle n’a pas de sens sans les leçons qu’on en tire. Elle serait folklorisée comme diraient les bouffons qui ont envahi la salle pour se mettre en spectacle à la fin. Déjà, elle montre la nécessité qu’on eu les mouvements contre le racisme à s’armer. Ce n’est pas par goût, c’est par nécessité et c’est malheureusement souvent en bravant les règles qu’on fait avancer la société. Ca nous renvoie à l’amnistie sociale bien sûr.

Ensuite, c’est l’imbrication des discriminations que met en lumière cette histoire. Angela Davis est discriminée en tant que noire, en tant que communiste et en tant que femme. Elle en a conscience et décide de contre-attaquer sur sa condition de femme. Il n’y a pas de discrimination qui mériterait moins d’indignation que l’autre. J’entends par là que trop de camarades vomissent le racisme et se trouvent bien plus timorés sur les questions féministes. Ils ont tort et nous leur montrerons quand nous attaquerons encore l’extrême-droite sur la question des droits des femmes avec autant de vigueur qu’à propos de son discours haineux sur l’immigration.

« Power to people ! »

Romain JAMMES

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La « journée de la femme » n’existe pas

Voilà, ça y est, je suis énervé. Parfois il m’en faut peu, je confesse, mais j’ai quelques déclencheurs assez connus qui provoquent chez moi l’envie d’effectuer un mouvement vif de la tête en direction de l’auteur de la bévue. Oui un coup de boule. Mais qu’à cela ne tienne, plutôt que de me réduire à ça trop souvent, j’écris des notes de blog. C’est de salubrité femmespublique, puis ça m’évitera de le faire derrière les barreaux. Puis bon là le maire de Toulouse est mouillé. Je ne veux pas m’attirer des problèmes.

Car, je ne sais pas si vous avez vu, mais Pierre Cohen va participer à un débat organisé par La Dépêche dans le cadre de la « journée de la femme ». De quoi faire frémir tous ceux qui ont un minimum de conscience féministe. C’est à dire manifestement ni La Dépêche  (mais on est habitué à ses articles machistes à souhait), ni la mairie de Toulouse qui relaie sans broncher l’information.

Alors nous, à L’Art et la Manière, on aime bien que les choses soient claires. Et c’est pas le quart d’heure toulousain qui va nous empêcher de mettre les pendules à l’heure. Du coup on va essayer (modestement) d’expliquer un peu ce qu’est et ce que n’est pas cette journée du 8 mars. Embarquement immédiat !

Une journée internationale des droits des femmes

Bon j’ai un peu spoiler dans le titre mais vous ne m’en voudrez pas. Au cours du XIXe siècle, le mouvement féministe prend de l’ampleur, notamment en parallèle à la démocratisation de 8m2nombreux régimes qui échappent, comme par enchantement, aux femmes. Le mouvement est international et essaye tant bien que mal de rééquilibrer la balance, notamment sur les droits civiques. Comme vous êtes malins, vous vous doutez que c’est plutôt du côté des socialistes qu’on trouve ce genre de mouvement.

Bingo ! Il y a notamment des conférences internationales des femmes socialistes. Et en 1910, c’est celle de Copenhague qui émet l’idée d’une journée des droits des femmes, en plein développement du mouvement des suffragettes. Dans les années qui suivent les mouvements européens rassemblent plus d’un million de femmes (et quelques hommes) au cours du mois de mars. De même, se développe un mouvement de femmes contre la guerre imminente avec des rassemblements entre fin-février et mi-mars. Formellement, le 8 mars, c’est en Russie qu’il naît. Un mouvement pour du pain et contre la guerre à l’initiative de femmes va déclencher la révolution de février (dans le calendrier russe c’est encore février). La suite, on la connaît. En 1921, Lénine va faire de ce jour la « journée internationale des droits des femmes ».

Bref, tout ça c’est très orienté politiquement. Et c’est dans le bloc de l’Est que ça se répand, puis à l’ouest grâce aux réinterprétations historiques type 1984. Enfin, l’important c’est que tout le monde s’y met et même l’ONU en 1977.

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La « journée de la femme »

Seulement voilà, quand tout le monde s’y met, on met de l’eau dans son vin (rouge), puis de l’eau dans le vin qui avait déjà de l’eau si bien qu’on fini par avoir un liquide aussi pâle qu’un Sauvignon. La journée appelant à lutter pour le droit des femmes devient la « journée de la8_mars femme » pour ne choquer personne. Et on tombe dans une folklorisassions gerbante vidée de tout sens politique. C’est comme si on disait « bon, journée internationale contre le racisme, ça fait pas folichon, on perd du monde, c’est long à écrire tout ça tout ça… Alors moi, je propose une journée du noir. » Vous voyez le niveau.

Donc maintenant rien de choquant à ce que la journée de la femme, ce soit : « Hey chérie, c’est la journée de la femme alors, en rentrant du boulot (tu sais l’endroit où je vais pendant que tu récures les chiottes et que tu regardes tes séries débiles), je t’ai acheté… [Choix multiples] :

  • Des fleurs
  • Un lave vaisselle
  • Un fer à repasser
  • Des couches pour les gosses
  • Un porte-jarretelle
  • Le dernier PES, d’ailleurs je vais l’essayer tout de suite… »

Et le problème c’est que je caricature tout juste. Voyez simplement ces bouffons de candidats qui viennent offrir des fleurs aux femmes sur les marchés quand c’est le 8 mars d’avant leur élection.

Bien sûr, le pire, c’est évidemment « la femme ». En fait ce qui n’existe pas dans la « journée de la femme » c’est « la femme ». C’est le trip essentialiste poussé à son comble. Réduire toutes les femmes à une 936_journee_de_la_femmeseule identité c’est considérer que les femmes possèdent une essence, une espèce de spécificité qui les fout toutes dans le même panier et qui serait innée. Abstraction est évidemment faite de toute distinction culturelle, historique etc… Plus prosaïquement, c’est partir du corps biologique comme base de réflexion, réduisant ainsi toutes les femmes à leur capacité à enfanter. De là découle toute la rhétorique ultra-réactionnaire sur le caractère naturel des caractéristiques de genre.

Alors vous vous doutez bien que le « femmes » dans « journée internationale des droits des femmes » ce n’est pas « potentielle maman » mais ça se réfère plutôt à l’individu socialement construit.

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Alors, un débat s’annonçant dans le cadre de la « journée de la femme », ça m’énerve oui. Parce que non seulement ça nie tous les combats féministes que cette journée représente, mais en plus ça véhicule un message réactionnaire quant à la condition des femmes dans notre société. Alors La Dépêche et Pierre Cohen, feraient bien de tremper leur nez dans les mouvements féministes. Ça aussi ce serait de salubrité publique…

Romain JAMMES

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Harlem Désir a séché ses cours d’histoire : résultat ?

Je sais pas pour vous, mais moi je trouve que la France, c’est un putain de pays. Je suis fier de la nation qui a vu naître Jaurès, des valeurs universelles dont elle a été le berceau, de son identité philosophique si particulière… Mais bon, y a des trucs, forcément, on en est moins fiers : la colonisation, la collaboration, Gérard Depardieu, tout ça tout ça quoi…

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Mais l’idée c’est quand même qu’on reconnaisse le bon et le mauvais. C’est un peu à ça que sert l’histoire, puis ça évite de sortir des âneries comme l’a fait Harlem Desir. Ce serait un mec lambda, on lui serait pas tombé dessus comme ça, mais bon, c’est quand même le premier secrétaire du PS. On s’attend pas tout à fait à ce qu’il sorte des refrains négationnistes de son chapeau en pleine émission de Mot Croisés pour justifier l’intervention au Mali : « Juste avant cette émission, j’étais à Montreuil où nous organisions une réunion de solidarité avec le peuple malien et j’ai vu des hommes et des femmes, beaucoup de Maliens de France, qui étaient à la fois inquiets, pour leur pays, comme ont pu l’être des réfugiés, vous savez, des Espagnols ou autres qui ont été accueillis en France au moment où leur pays traversait des drames et des guerres, et qui en même temps étaient fiers de la solidarité de la France, qui étaient soulagés, qui étaient reconnaissants ».

Plait-il ?

On avouera que niveau solidarité, on a fait mieux qu’avec les espagnols. L’aide pendant la guerre de 36 a été environ néante. Environ hein, on a bien du filer un coup de main aux agresseurs. Par notre silence déjà, puis un peu à la manière du mec qui met vaillamment le pied en avant pour faire tomber celui qui fuit son agresseur. La France, c’est l’antithèse de Brassens avec le voleur de pomme.533619_812929795512176_1446782717_n

Comme c’était la merde, et qu’avec le Codillo Franco et sa dictature militaire, ça n’allait pas bien mieux, y a quand même un certain nombre d’espagnols qui ont fui, notamment des réfugiés politiques. Le cœur sur la main, la France les a parqués dans des camps de concentration. Bravo l’artiste ! Seul le peuple, notamment au Sud-Ouest, a, lui, fait preuve de solidarité contre les autorités (je vous invite à regarder qui était au pouvoir).

Bien sur, une fois la guerre fini, les autorités françaises ont été plus que complaisantes avec Franco. Elles collaboraient même dans la recherche des réfugiés qui organisaient la résistance à l’intérieur (en Espagne). Franco sur le point de mourir, c’est toujours la France qui a aidé à ce que la « transition démocratique » passant par le Roi s’impose de sorte que les résistants ne puissent construire, avec l’élan populaire, un régime eux même.

Ah quelle histoire ! La droite, elle, est assez coutumière de l’oubli collectif. En général, à gauche, on est plus respectueux. La sortie de Harlem montre simplement l’état de nécrose intellectuelle du PS. Je n’en rajoute pas, je laisse mon camarade Jean Estivil finir (texte pris sur le site du PG).

Romain JAMMES

« Un scandale nommé Désir » Jean Estivil

Le communiqué du Président Henri Farreny de l’ Amicale des Anciens Guerilleros Espagnols en France (FFI) dont je fais partie dit l’indignation qu’ont provoquée les propos du premier secrétaire du parti socialiste à propos de l’accueil que reçurent sur notre territoire les 400 000 républicains espagnols en 1939. Je ne voudrais pas que mon article soit un billet d’humeur, il en a pourtant bien des aspects. Comment pourrait- il en être autrement ? Mon père était un de ces républicains espagnols, il a été parqué dans le camp de concentration d’Agde puis non reconnu par Pétain alors qu’il avait été arrêté avec l’armée française, le 18 juin 1940 ; il fut, comme dix mille autres, envoyé dans un camps de la mort, à Mauthausen. Il avait été reçu comme un bandit, surveillé par des tirailleurs sénégalais qui ne comprenaient pas à qui ils avaient affaire, il reçut une pelle pour faire un trou et une toile pour se construire un abri sur la plage. Imprévoyance d’un pouvoir qui avait trahi la République espagnole ? Non, revanche de ceux qui avaient fait « le choix de la défaite » (lire le livre d’Annie Lacroix-Ritz) et qui comptaient bien régler leur compte définitivement à ces rouges républicains qui, plus que leur mauvaise conscience, étaient leurs ennemis. La moindre tentative de fuir l’enfer de ces camps de concentration, c’était comme première punition d’être enterré toute la nuit jusqu’au cou dans le sable : nous étions en hiver, l’issue était fatale.

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Billet d’humeur donc aussi, car socialiste, et au Parti de Gauche, il m’est insupportable d’assister à un tel dévoiement de la droiture que doit s’imposer celui qui a choisi la pensée et l’action de Jaurès, qui plus est, quand on est le premier d’un parti qui continue de s’en réclamer et ce, à des fins tristement politiciennes. Car ces propos ne relèvent pas de l’inculture ou seulement en partie, mais d’une politique cyniquement mise en œuvre et dont on a pensé en haut lieu, il y a quelques mois, que Désir avait le profil idéal pour la porter. Celle du consensus dont a besoin un gouvernement qui s’est lancé dans un acte de guerre hasardeux au Mali, et qui, après avoir donné mille gages au Medef, a besoin de rallier la classe politique de droite dans la perspective d’une union sacrée sans laquelle il ne pourra imposer la politique de la Troïka.. Alors il faut éloigner l’image d’une France qui se comporta d’une manière odieuse et criminelle avec ces centaines de milliers de pauvres qui avaient tout perdu et dont pourtant des milliers allaient participer aux combats de la résistance. Une partie de la droite se complet à répandre l’idée que la France, fille aînée de l’Eglise depuis Clovis, n’a jamais rien eu à se reprocher ? Qu’à cela ne tienne, Désir se charge, toute honte bue, de lui tenir des propos qui lui sont doux. Cahuzac lui-même n’a-t-il pas apporté sa pierre à ce consensus, allant jusqu’à affirmer que « la lutte des classes n’existait pas », prenant pour le coup tout le monde pour des imbéciles, avec son arrogance coutumière. Imbécile que l’agrégé de Lettres Bayrou a refusé d’être. Faut- il en effet pour s’attirer la sympathie des parties de droite considérer qu’ils sont constitués de demeurés ? Cahuzac l’a cru, Désir le croit.

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Mais trop, c’est trop, Désir devra s’expliquer. Et qu’on nous comprenne bien, pour nous, les peuples n’ont rien à se reprocher. Ils ne sont pas responsables des crimes que des gouvernements ont commis en leur nom. Les générations actuelles n’ont pas à subir l’opprobre des camps de concentrations où l’on enferma par la suite les Juifs et les résistants. La repentance, on l’aura compris, nous est étrangère. Mais les peuples, la jeunesse, ont le droit à la vérité, et lorsque, comme c’est le cas ici, plus de 20 000 livres ont été écrits sur la guerre d’Espagne et des centaines sur les camps français de la honte de ceux qui préféraient Franco, Hitler et Pétain au peuple français et au Front Populaire, ils ont le droit de s’insurger devant ce « négationnisme » politicien de Désir.

Jean-Pierre Bel avait conclu son discours d’investiture à la Présidence du Sénat en citant Machado. Machado est mort peu de temps après son arrivée en France de maladie mais surtout de l’accueil qu’on lui fit. Mais Désir connaît-il Machado ? On peut retrouver une très complète bibliographie dans le livre de Geneviève Dreyfus-Armand, « L’exil des républicains espagnols en France ». Le roman historique de Juan Manuel Florensa, « Les mille et un jours des Cuevas », apporte par ses qualités littéraires un réalisme poignant à la vie dans ces camps et à ce que fut la « retirada ».

Et enfin le livre de témoignage de Véronique Olivares, « Mémoires espagnoles, l’espoir des humbles », chez Tirésias. Et qui m’écrit : « c’est de l’indigence culturelle lamentable !!! Pauvres de nous face à ceux qui nous gouvernent ».

On a testé pour vous : décapiter Louis XVI !

C’est un peu notre rêve de gosse à Flo et moi. Si on déteste la psychanalyse, je suis sur que y a quand même un truc à fouiller là dedans. Enfin rien à voir avec notre caca bien sûr, mais quand même, ça ferait kiffer de vivre tous ces moments de notre histoire. On voudrait être immortels pour voir comment le monde va tourner, pour prendre notre temps aussi, ça c’est important.

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Oui mais voilà, je suis pas Macleod et j’ai pas de Delorean donc si j’avais vécu le raccourcissement de Louis XVI (Louis sans tête pour les intimes) je pourrais pas vous en parler.  Résultat, on n’a pas testé pour vous : décapiter Louis XVI ! Mais bon, on est grand seigneurs, on va quand même vous en parler…

C’est l’histoire d’un mec dans son monde

Louis XVI c’est un peu comme un manifestant du 13 janvier. Il est dans son monde et il a pas compris que la société avance. Je pense même qu’à un moment donné, il est devenu fou. Dès le début de la révolution, il nie « en bloc et en détail » comme Cahuzac. Il veut rien voir, rien signer. Il se dit qu’au fond, les gamineries qui animent une petite bande de bourgeois se 17calmeront tôt ou tard. Il attend peut-être que Dieu vienne lui filer un coup de main. « Tu veux pas foudroyer l’Assemblée Nationale steuplé ? » priait-il probablement chaque minute qui passait.

Seulement Loulou, il avait pas capté que la Révolution Française, c’était pas une caméra cachée. Et au moment où le peuple vient directement lui tirer l’oreille ça risque de faire un peu mal. C’est ce qu’il a fait le 14 juillet, et en octobre quand les femmes l’obligent à signer la DDHC et l’embarquent sur Paris. Ça aurait dû le mettre sur la piste, mais rien à faire. De blocage en blocage, le Roi a fini par se dire que la meilleure manière de s’en sortir c’est d’appeler ses soc’ de l’autre côté de la frontière. Donc il fini par se tailler pour revenir avec des gros bras…

Et là c’est le drame…

Seulement Louis il se fait pécho à Varennes. Les ptits gars18 sur place, ils se posent un peu la question de ce qu’ils font. Au début c’est courbettes tout ça tout ça… puis bon, ils se disent que c’est chelou que le Roi il soit en balade par ici quand même. C’est pas qu’y a rien à y foutre mais bon. Donc ils l’escortent pour rentrer.

La nouvelle se fait savoir, et les parigots font un peu la gueule. Ils l’accueillent plutôt mal, mais les députés vont le protéger et faire comme si de rien n’était. Le Roi cède un peu au début parce qu’il a eu les j’tons. Mais ne se rendant toujours pas compte de ce qui se passe (c’est inconcevable quand même). Il finit par bloquer encore pas mal de décrets, en temps de guerre ça la fout un peu mal. Donc le peuple vient encore lui tirer les oreilles aux Tuileries. Une fois ça passe, la deuxième il court dans les jupons des députés qui ne peuvent pas le protéger plus longtemps.

La Convention nationale est créée et devant le peuple qui devient de plus en plus violent, elle est contrainte d’organiser le procès du Roi puis son exécution. Très concrètement, impossible, pour les révolutionnaires, de créer une République avec Louis Capet comme citoyen. Elle serait trop fragile !19

  • Est-ce qu’ils avaient raison ? Oui, et pas que parce que ça fait du bien. L’histoire nous montre par la suite la fragilité de la Révolution et la capacité pour les familles royales de s’appuyer sur leur légitimité.
  • Est-ce que ce serait nécessaire encore aujourd’hui ? Non, aujourd’hui notre culture républicaine est bien plus mature. Elle se perd sous d’autres aspects et l’autoritarisme la contourne, mais le symbole du Roi n’a plus de légitimité.

La morale ?

La morale de cette histoire, c’est que Louis en s’entêtant, s’est étêté ! Il vivait dans un monde qui n’avait rien à voir avec la réalité et ne pouvait pas comprendre les dynamiques qu’il y avait à l’œuvre.

Aujourd’hui, certains feraient bien de relire quelques pages de Michelet. Tout haut qu’ils sont dans leur tour d’ivoire, ils se scandalisent qu’à cause de l’impôt il ne leur reste que quelques millions. Je serais eux, je m’entêterais moins, c’est pas l’envie qui nous manque de leur rappeler. Je dis ça…

Romain JAMMES

 

Archive : Être de gauche…

Brouillage de piste

En cette période d’élection présidentielle (quoi vous n’avez pas remarqué ?), le débat public est en pleine ébullition. Pensez bien, nous n’y trouvons pas notre compte, l’actualité est suffisamment saturée de polémiques qui éclipsent le débat de fond. Toutefois, dans certains cadres, on voit poindre le nez de questions intéressantes et de tentatives d’éducation populaire de la part de certains candidats ou journalistes.

Mais, dans cette période, le brouillage des marqueurs politiques est particulièrement important. La droite emprunte des revendications traditionnelles de la gauche comme la taxe Tobin, celle-là même que la social-démocratie avait renoncé à mettre en place. La gauche emprunte à la droite ou entérine les reculs comme la suppression de postes de fonctionnaires ou le recul de l’âge légal de départ en retraite. D’autres, encore plus malins, disent simplement vouloir prendre le meilleur de l’un et de l’autre comme s’il ne s’agissait pas de 2 logiques antagonistes. Bref, entre les propositions ambiguës, les appels du pied, les déclarations nauséabondes ou les annonces tonitruantes, une question reste sur nos lèvres : « Être de gauche, c’est quoi ? ».

Allez un peu d’histoire (ça fait pas d’mal !)

D’abord, d’où vient ce clivage bizarre ? Comme beaucoup d’idées, de débats ou de traditions politiques dans notre pays et dans toute l’Europe, le clivage gauche/droite vient de la Révolution Française. Un débat fait rage pour la première constitution du pays, notamment la question du veto du Roi sur les décisions de l’Assemblée nationale. Le problème n’est pas anecdotique : il s’agit d’accorder un pouvoir important au Roi ou de donner tout le pouvoir au peuple à travers ses représentants, sans qu’une autorité paternelle ne vienne le contredire.

Ce n’est pas anodin, n’est-ce pas ? Le débat étant animé et le résultat serré, il fut alors décidé que chaque député étant favorable au veto se placerait à droite du président de l’assemblée, et chaque personne étant contre à gauche. Voilà ce sur quoi s’appuie le clivage, et il ne faut pas le prendre qu’au mot, c’est l’opposition entre deux philosophies : celle des Lumières, du progrès qui a fait éclater la monarchie absolue, et celle de la contre-révolution, animée par les grands aristocrates et en grande part par l’Eglise catholique. Pour la p’tite histoire, le 11 septembre 1789, c’est un droit de vote suspensif qui est donné au Roi. Un « compromis » largement favorable à la « droite » et qui sera à l’origine de la crise qui bloquera la monarchie constitutionnelle créée.

Tout pour le peuple ? (bah oui!)

La gauche de l’assemblée a donc défendu que TOUT le pouvoir devait aller au peuple. Il ne s’agit pas uniquement d’une définition tautologique de la démocratie, encore qu’à cette époque bien peu de monde parlait de suffrage universel. Ce qui se cache derrière cette idée est bien plus étendu et se trouve toujours au cœur de ce qu’on peut aujourd’hui qualifier de gauche.

Tout le pouvoir au peuple c’est d’abord donner la possibilité à chaque citoyen de voter, plus largement d’agir dans l’espace public, en conscience de l’Intérêt Général et en fonction de sa raison. J’ai en tête ces mots de Condorcet qui m’ont toujours beaucoup marqué : « S’il reste des hommes qui n’obéissent pas à leur raison seule mais reçoivent leur opinion d’une raison étrangère, alors en vain toutes les chaînes auraient été brisées : le genre humain serait divisé en 2 parties, celle de ceux qui savent et celle de ceux qui croient ; celle des maîtres et celle des esclaves. » Il faut donc une école qui forme le citoyen, qui le rende indépendant et conscient de son environnement. L’école doit être laïque car aucun dogme ne peut être placé au dessus de l’esprit critique, elle doit être gratuite et obligatoire car universelle ! N’est-ce pas toujours de gauche de dire ça ? L’école n’est évidemment pas la seule en jeu ici. C’est plus largement l’éducation populaire qui doit permettre non seulement l’accès le plus large possible à la culture mais également l’éclatement de la hiérarchie culturelle unilatéralement définie par l’élite. Et devinez quoi ? C’est justement ce que proposait le Conseil national de la résistance (CNR) sous l’influence des communistes.

Mais l’indépendance du citoyen ne s’arrête pas à l’émancipation intellectuelle que peut apporter l’école. L’expérience de 1848 est éloquente à ce niveau. De toute évidence, l’insuffisance (c’est peu dire) de l’éducation civique a été déterminante dans le résultat de la première élection du Président de la République au suffrage universel masculin (parce que ça restaient des machos). Mais ce n’est pas un hasard si ce sont les prêtres et les bourgeois qui ont emmené par la main les ouvriers et paysans voter contre leurs intérêts. L’indépendance doit aussi être matérielle. L’État doit donner la possibilité à chaque citoyen de vivre correctement de son travail et doit être un rempart à la dépendance du salarié vis-à-vis de son employeur. Le code du travail, la protection sociale, les minimas sociaux, l’allocation chômage et plus largement le droit au travail, à la formation et au logement SONT des corollaires de « tout le pouvoir au peuple » ! C’est aujourd’hui l’armature d’un programme de gauche qui se vaille !

Cette indépendance matérielle, et donc la liberté d’action et de vote du citoyens, s’opposent également à de trop grandes disparités sociales. L’égalité politique demande une relative égalité économique ! C’est pourquoi la protection sociale doit être financée par une répartition des richesses et les acquis sociaux par un système solidaire organisé… Vous connaissez sûrement cette phrase de Lacordaire : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui libère ».

J‘en reste là pour ce chapitre, mais voyez que cette idée qui est l’essence de la Gauche – donner tout le pouvoir au peuple – est finalement bien plus large que certains ne voudraient le croire. C’est un marqueur qui a toujours son empreinte forte dans ce qui fait la gauche aujourd’hui. Il doit servir à dessiner les lignes à ne pas franchir, les attitudes à adopter. Oh ! bien sûr, la construction philosophique et sociale de la gauche ne fait que commencer en 1789 et continue jusqu’à aujourd’hui. Chaque tendance du mouvement ouvrier va y apporter une richesse : le marxisme, les penseurs libertaires, les républicains, les résistants, les mouvements écologistes, féministes, LGBT… Plusieurs événements historiques vont y apporter également, qu’il s’agisse de la révolution russe ou de la guerre d’Espagne. Mais le socle est là et définit une frontière, comme deux côtés d’une barricade.

Et aujourd’hui ?

Les marqueurs définissent la rupture disais-je. La concrétisation dans les programmes politiques que nous avons devant nous, j’ai commencé à l’évoquer dans ce qui devait structurer un programme de Gauche. Le reste se vit et se ressent, s’interprète à partir de ce que chacun estime être en phase avec cette genèse et la philosophie à laquelle elle participe. L’Intérêt Général, par exemple, est avant tout celui de la conservation du seul écosystème qui permet la survie de l’humanité. L’écologie est fondamentalement républicaine à ce titre. Elle s’oppose de fait au système de production capitaliste qui génère et s’alimente des inégalités : elle est donc fondamentalement de Gauche. Le Présidentialisme concentre plus de pouvoir dans les mains d’un individu auquel on donne un chèque en blanc (ici pendant 5 ans). Il s’oppose à un parlement plus divers, plus représentatifs des opinions des citoyens et, en toute logique (pour une personne normalement constituée), plus enclin à créer le débat et à le faire vivre.

Donner le plus largement le pouvoir au peuple c’est avoir une conception ouverte de la citoyenneté. La nation se compose d’une communauté de citoyen unie par un destin politique et par leur volonté d’y appartenir. C’est la république qui crée la nation et non l’inverse. Cette vision s’oppose à une essence culturelle, voire cultuelle pour les plus illuminés, de la nation qui écarte d’emblée une partie des individus et réduit donc le champ de la citoyenneté. Ce rapport différent à la culture détermine en toute logique le rapport de la gauche avec les mouvements féministes, gays, lesbiens, bi et trans. Plus largement, le progressisme entend qu’aucune tradition ne fait autorité parce qu’elle est une tradition, tout doit être remis en cause et passé sous le crible des valeurs républicaines.

C‘est aussi ce pourquoi la Gauche est internationaliste. Rien ne justifie la division entre les peuples. Au contraire, la droite a été pourfendeuse de communautés au nom d’autres. Elle a été anti-dreyfusarde, vichiste pour une part, aujourd’hui elle s’attaque au musulman, à l’immigré, au pauvre aussi, et certains cumulent… La Gauche c’est la solidarité et le partage plutôt que l’individu : le système par répartition plutôt que par capitalisation, l’impôt progressif, la prévention, l’éducation et l’échange plutôt que la répression, le cloisonnement et la division.
Aujourd’hui, elle défend la vie plutôt que l’austérité, le droit au bonheur plutôt que l’effort permanent. Consciente que le travail est une souffrance pour beaucoup, elle veut une réduction du temps de travail plutôt qu’un acharnement aveugle : travailler moins, mieux, tous, et avec un revenu décent permettant de consommer plus mais surtout mieux !

J‘arrête là, je pense que vous pouvez faire le reste vous même. Le travail qui reste à faire, c’est de voir qui répond à ces critères de gauche : quel programme, quel parti, quel candidat, quel élu local ou national ? Si nous disons que nous sommes au cœur de la gauche avec le Front de Gauche, ce n’est pas par plaisir nombriliste ou par sectarisme. C’est que ces idées sont les bases de notre programme, elles cimentent les différentes tradition de Gauche et donnent avec cohérence le chemin vers une autre société ! C’est ça la gauche aujourd’hui ! Pas les galimatias hésitants, les « on ne sait pas », les « peut-être mais pas trop » mous de certains. Toutes ces foutaises n’ont pas leur place dans le combat que nous menons. Être de gauche c’est vouloir la rupture avec le système dominant ! Je suis de gauche ! Et vous ?

Romain JAMMES

Archive : Notre combat laïque

La campagne présidentielle est un moyen extraordinaire d’échange d’idées. Un moment d’éducation populaire sans égal car l’attention politique est à son maximum. L’apathie dont je parle régulièrement, s’estompe un instant, même brièvement, comme c’est rarement le cas. Toutefois, la personnalisation à outrance et la réduction du débat politique à une course de chevaux dopée par les sondages ont tendance à briser l’importance que peut avoir ce moment. Le grand bouleversement dont il peut être l’origine est un peu estompé…

Quoi qu’il en soit certains débats sont occultés, réduit ou caricaturés. Depuis septembre par exemple, la question de la dette publique et de la crise de l’Euro écrase l’ensemble des autres thèmes à aborder. Quelques mois plus tôt, le Front National et la Droite Populaire avaient instrumentalisé la laïcité pour attiser les tensions avec des propos islamophobes. Je ne doute pas que la manœuvre était électorale en partie, mais je ne doute pas non plus du fond de la pensée des fascistes qui composent ces deux mouvements.

Pourtant cette question de la laïcité est fondamentale. Elle est un des piliers sur lesquels repose notre république et notre manière collective de nous représenter le monde. Elle seule garantit la liberté de conscience de tous les citoyens. Abandonner ce terrain, comme le fait le PS, ou l’attaquer durement comme ce qu’entreprend Sarkozy ou Le Pen, ce n’est pas à prendre à la légère. Voilà pourquoi je veux aborder cette question, du moins présenter ma manière de voir les choses : je suis très loin d’être spécialiste

Origines

Certains avancent que le christianisme porte en germe la sortie de la religiosité de l’ensemble des institution et plus largement le désenchantement du monde. Cette réflexion analyse notamment le passage d’un polythéisme, qui accorde un dieu à chaque moment de la vie ou chaque institution et fait social, à un monothéisme qui construit une relation propre entre chaque individu et Dieu. C’est aussi le « rendre à César ce qui est à César » qui fait dire à d’autres que la religion se détournerait dès lors progressivement de l’autorité temporelle. Ce n’est pas l’approche que je vais avoir. Déjà parce que, politiquement, elle moins révélatrice des dynamiques que je veux mettre en évidence ; ensuite, parce que, chacune à sa manière, ces théories ignorent les dynamiques sociales et les rapports de forces qui interviennent dans l’émergence de la laïcité.

La tyrannie chrétienne qui a suivi la chute de l’Empire romain a démontré de manière assez incontestable que le christianisme jouait comme une force politique que seules arrêtaient d’autres forces politiques en conflit. C’était un élément du rapport de forces en Europe. C’est essentiellement l’émergence de la Réforme qui a jeté un pavé dans la mare. Je ne parle pas tant des différents royaumes qui ont officiellement épousé cette obédience que des conséquences de la montée en puissance d’une contestation à un ordre qui semblait immuable. Je veux bien sûr parler des guerres de religion. Ces événement ont vu des villes, des villages, des quartiers et des familles s’entre-déchirer. Les morts ont été très nombreux, bien plus en une nuit pour la Saint Barthélémy que pendant toute la période de la Terreur (on en fait pas autant de foin pourtant). Les sièges ont également ouvert aux horreurs du cannibalisme et à la délation la plus abominable.

Les ignominies commises pendant ces guerres, particulièrement en France, ont interrogé beaucoup de philosophe (huguenots pour l’essentiel) sur la condition humaine et sur la manière de concevoir la paix sociale. La réflexion qui en a émergé, s’il faut la résumer, consistait à se dire que la paix ne pouvait être garantie dans l’unique condition que le souverain puisse représenter la diversité religieuse du peuple. Or une telle diversité religieuse n’était possible que si le peuple lui-même était le souverain. L’idée démocratique a fait sa renaissance à travers la recherche des conditions de la liberté de conscience. Ces deux concepts, dans leur évolution, seront toujours très liés. Ainsi Laïcité et République sont toujours sœurs.

Les Lumières

Ce sont d’ailleurs les Lumières qui ont participé à cette évolution commune, chaque philosophe à sa manière, certes. Mais si l’on doit retenir une réflexion particulièrement représentative de leur apport, c’est que la Raison est universellement partagée. Cet argument venait notamment répondre aux nombreux philosophes grecs qui considéraient le peuple incapable de prendre les bonnes décisions pour la cité. Chaque citoyen devait simplement apprendre à se servir de cette raison et se donner le droit de l’appliquer à tout : régimes politiques, traditions, dogmes religieux. Ainsi donc, la raison par laquelle le peuple devient souverain est l’instrument d’émancipation du peuple de la religion. Dit autrement, le citoyen devant agir publiquement, voter, en fonction de l’Intérêt Général défini par sa raison, aucun obscurantisme, aucune vérité révélée ne devait lui être alors imposer dans ce choix. De facto la religion devenait une affaire privée et non plus publique : « aux juifs en tant que juif, il ne sera rien attribué. Aux juifs en tant que citoyens, il sera tout attribué ». La laïcité devient aussi la considération par laquelle tout être humain est un citoyen avant d’appartenir à tout autre communauté (sociale, religieuse, ethnique, sexuelle,…). C’est l’égalité !

C‘est cette même idée que la Raison est partagée par tous qui a fait émerger l’idée d’une éducation nationale dont l’expérience de notre histoire révolutionnaire montrera la nécessité, notamment suite à la débâcle de la Seconde République débouchant sur 30 ans de dictature militaire.

Mais je reviendrais sur la période révolutionnaire et sur le XIXe siècle dans une prochaine note à ce sujet =)

Romain JAMMES