Comment les médias font le jeu du FN

 C’est une histoire comme beaucoup d’autres, que j’ai lue de Gilles Balbastre. Elle est représentative d’un état de la société, à la fois dans son caractère de spectacle, mais aussi dans la profonde misère humaine qu’elle organise au quotidien.

Elle révèle le profond mépris de ceux qui se battent dans l’ombre et la connivence de ceux qui façonnent l’opinion publique avec la montée en flèche des idées réactionnaires… Le désarroi que le libéralisme crée dans les consciences collectives fait du frère l’ennemi et de l’ennemi un frère. Comme du compost, elle laisse moisir la frustration de destins brisés bientôt fertiles aux noires idées qui rongent l’humanité.

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Il était une fois, à Dunkerque

Dunkerque, voilà un nom qui ne fait pas rêver. Spontanément, on pense au climat hostile de la mer du Nord, au ciel gris, aux trottoirs gris, aux bâtiments gris. Ça ne fait pas très carte postale. Mais c’est surtout le destin des ouvriers face à la désindustrialisation qui crève le cœur. Le chômage est la préoccupation quotidienne, le grand débat de la région, comme beaucoup d’autres en France.

La fermeture de la raffinerie Total en 2010 est une pierre de plus qui s’écroule de l’édifice. Elle fait l’objet d’une lutte, de certaines victoires administratives, et finalement d’une reconversion du site. « Reconversion » : ce mot sonne rarement comme une bonne nouvelle dans la bouche d’industriels. 350 salariés sont licenciés, mais la création d’une centaine d’emplois est annoncée sur le chantier par Sarkozy en 2011. Le compte reste négatif, mais le coup de com’ fait ses effets.

Une filiale locale d’EDF est maîtresse d’œuvre, les demandeurs d’emploi affluent. Jusque-là, le scénario est sans accroc…

Mais qui sont ces travailleurs ?

Sauf que voilà, quelques mois plus tard, ce ne sont pas les mêmes travailleurs que l’on voit pointer à Loon-Plage. L’opération vantait les mérites de l’emploi local. Elle sentait l’air frais du bout du tunnel pour de nombreuses familles. Elle l’a été sans doute pour certaines, mais le chantier prend des accents qui interrogent.

Les travailleurs détachés sont en effet nombreux, très nombreux (60%). Qu’est-ce que c’est ? Des ouvriers venus d’autres pays européens, payés et protégés en fonction des lois de leur pays d’origine. Une aubaine pour le maître d’œuvre, des économies garanties par une directive européenne construite dans l’ombre des couloirs de la Commission et qui, à chaque rediscussion, devient plus libérale encore. Une main-d’œuvre étrangère faute de pouvoir la trouver en France d’après le discours officiel. On peine à le prendre au sérieux.

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Photo : Askatom

Le droit du travail, lui, reste celui de la France, du moins en théorie, encore faut-il que les travailleurs le connaissent. La CGT s’active, non contre la présence d’étrangers qui sont dans le même bateau de la recherche de l’emploi par tous les moyens, mais contre le dumping social déguisé derrière cette pratique. Ils éditent des tracts en plusieurs langues sur les droits des travailleurs. Se font sacrément chahuter par la direction. Devant le site, des bus affrétés spécialement emmènent des convois d’ouvriers depuis les campings où ils logent, bien à l’écart de la cité, jusqu’à leur lieu de travail. Avoir un échange relève du défi. Même au rond-point public devant l’entrée, la direction fait tout pour qu’aucun dialogue n’ait lieu.

Pourtant, des soupçons très lourds pèsent sur les conditions de travail. Des travailleurs avouent faire certaines semaines de 50 heures. Les inspecteurs du travail tirent la sonnette d’alarme sur l’opacité qui les empêche de faire leur travail.

Une affaire qui fait du bruit ?

Les grands médias ne se pressent pas au portillon. Après la CGT, la CFE-CGC (syndicat des cadres), alerte à son tour, la presse locale commence à s’interroger. Mais ce ne sont que 15 pauvres militants FN, déployant une banderole sur le toit de la CCI, qui vont attirer l’attention des médias nationaux. La banderole dit « Emploi, les nôtres d’abord ». Le ton est donné, la question ne porte pas sur les conditions de travail, mais sur le rejet des travailleurs étrangers.

Sauf qu’on ne parle que de ça. Les syndicalistes présents depuis des semaines ont été méprisés et ignorés. On leur préfère le discours simpliste et haineux d’une poignée de nazillons reprenant les slogans d’avant-guerre alors dirigés contre les juifs. Une absurdité économique, une horreur philosophique, mais peu importe, ce qui compte c’est l’audience.

L’écœurement des milliers de chômeurs est plus que compréhensible. Le matraquage leur donne une cible toute simple, à leur hauteur, sans plus d’appel à l’esprit critique. Le FN surfe sur la vague avec la bénédiction du PAF. Comme un navire sans équipage que le courant mène à bon port.

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Photo : Askatom

Et la suite ?

La suite on la devine. Michel Sapin a fait la démonstration de l’inaction du gouvernement. Suite à des alertes d’agents de l’État, il fait une visite surprise annoncée la veille. Oui, c’est un nouveau concept. La direction prend le soin de laisser la plupart des salariés au repos. Rien à signaler donc.

La suite c’est aussi les élections européennes. Plutôt que de détricoter le mécanisme libéral du travailleur détaché, les médias ont offert un boulevard au FN qui fera une campagne à l’image de l’idiotie de son discours. Anti-Europe, anti-européen, anti-euro. Le terrain aura parfaitement été préparé pour que la population vote contre ses semblables étrangers au lieu de s’en prendre à ceux qui organisent le dumping social.

Les militants syndicaux font encore régulièrement le pied de grue devant l’entrée, loin des projecteurs. Les fachos dans leur canapé n’ont plus qu’à observer la mayonnaise monter à coup de grandes déclarations publiques. Voilà comment les médias ont choisi leur camp dans cette bataille.

Des cas comme Loon-Plage, il y en a de nombreux en France. Le libéralisme crée le chômage de masse, le système médiatique le goût du scandale et la simplification à outrance. Le désarroi politique de la corruption alimente la suspicion du collectif. Chez soi, à l’abri des autres, on devient la cible idéale.

Libérons-nous de ces chaînes.

Romain JAMMES

Pour en savoir plus, l’émission Là-bas si j’y suis sur le sujet

On a testé pour vous : la langue de bois des plateaux TV

Aaaah comme ça m’avait manqué, ce sentiment de désespoir et en même temps cette si belle ironie des plateaux TV de soirées électorales. Grands moments de télévision qui font baisser soudainement l’intérêt des Guignols, caricature finalement très raisonnable de nos vrai-e-s élu-e-s politiques. Des soirées visionnées en boucle au cours Florent comme des chefs d’œuvre de jeux d’acteurs faisant passer Denis Lavant pour un pauvre amateur.

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« Une élection locale » qu’on vous dit !

Déjà on avait eu les mauvaises prémisses. Vous savez, ce sentiment qu’on a tout au long de la campagne qui vous dit que ça va vraiment être de la merde. Le Front de Gauche était morcelé en plein d’étiquettes histoire que le trio magique Peste, Choléra, Armageddon occupe les colonnes d’analyse. Bien sûr la menace de l’Armageddon ayant pour principal objectif qu’on se dise qu’au fond, la Peste et le Choléra, c’est toujours le moins pire.1

Le discours de la majorité parlementaire était aussi prévisible que le « clic » d’une horloge et aussi fin que Patrick Sébastien… enfin que ses blagues… enfin un peu des deux mais on avait dit pas le physique bordel !… Bref, c’est une putain d’élection locale quoi. C’est même dans son nom : « élections municipales ». Donc tout se passe au niveau municipal. Voilà, les gens ils votent pour leur maire parce qu’il est cool et faut arrêter de penser que ça a un foutu lien avec ce pauvre gouvernement. Que ce soit à peu près les mêmes partis, avec des ministres candidats ou maires sortants, on s’en tape. Qu’on vote partout en France avec des programmes qui clivent autour des mêmes enjeux, on s’en tape. Que l’austérité ait des conséquences directes sur la vie des communes, c’est pas la question. C’est locaaaaaalleeeeuuhhh !! Il va de soi que l’opposition, elle, monte sur ses grands chevaux en appelant solennellement veaux, vaches et cochons à sanctionner le gouvernement.

Sauf que voilà, comme les majorités mènent une politique de merde depuis des années, et qu’en plus du pouce préhenseur on m’a doté d’un truc 5entre mes deux oreilles (un cerveau, ndlr, si tu as eu besoin de lire ces parenthèses tu n’en as pas, désolé). Je vais chercher dans ma mémoire ce qui s’est passé la dernière fois… Comme tous les êtres un minimum (mais vraiment c’est la base, quoi) intelligents, j’ai remarqué — PATATRAS !! — que c’était diamétralement l’inverse. Diantre, me mentirait-on sur TF1-FrTV-M6-BFM-ITélé et tout le reste ? Nooooooooonnnn voyons… quelle idée ?

Les projecteurs

Autre indice qui ne trompe pas : le traitement de la défiance. Car oui, il y a de la défiance. En fait il y a même un immmmmmense ras-le-bol. Mais n’en concluez pas que c’est parce que la politique est la même depuis que Hollande a remplacé Sarkozy qui a remplacé Chirac qui a remplacé Mitterrand et qui étaient tous des candidats du changement qu’on n’a jamais vu.

Non à télé, on fait tellement du journalisme de ouf qu’on parle des faits. Il y aura de l’abstention parce que les gens sont pas contents, voilà. En fait, y aura les gens pas contents qui voteront pas et les gens pas contents qui voteront FN. Et puis comme les gens sont, en effet6, pas contents et qu’on leur explique que dans ce cas, faut voter FN ou ne pas voter, et bah ça finit par faire son effet. C’est pas qu’ils sont idiots, c’est que le matraquage culturel… bah ça marche. Et quand je parle de matraquage, je blague pas, au regard des temps d’antenne accordés aux différents partis avant la campagne officielle.

Et c’est si bien fait que quoi qu’il arrive, on trouve toujours de quoi dire « comme nous l’avions prédit » ; « conformément à nos analyses », « on s’y attendait », etc… De toute évidence, ce n’est pas dans le cahier des charges de ces médias de créer le débat politique. Allez, on met quelques candidats des grosses métropoles qui s’écharpent à une heure creuse pour se donner bonne conscience, mais surtout pas d’analyse des vrais débats d’orientation qui ont lieu, ça risquerait de donner du sens à l’élection…

Le jour-J, enfin le soir-S

Comme la prophétie autoréalisatrice l’annonçait, et surtout, comme les médias ont envie de l’analyser, le trio Peste, Choléra, Armageddon occupent l’antenne. Grosse claque au gouvernement, les intervenants se confondent en formules qui ne 2veulent rien dire. Tout à coup, ce qui n’était pas une élection nationale le devient sans raison.

Les ministres expliquent qu’ils ont pris une claque dans la gueule, mais que c’est certainement à cause de la mauvaise orientation du gouvernement, pensez donc. Ils sont juste « impatients de voir les résultats », ils veulent qu’on « accélère le mouvement ». C’est le tour de magie qui transforme un rejet en une adhésion enthousiaste. En fait, les Français ils sont tellement d’accord avec le gouvernement qu’ils ont pas voté pour ses représentants aux municipales. C’est pourtant pas compliqué merde !! Les journalistes avalent ça comme de la bouillie muesli

Sauf qu’on remanie. Ah bon ?!! Attends, attends, je résume la situation :

  • C’est une élection locale, en fonction d’enjeux locaux. (C’est pratique quand le4 gouvernement fait l’inverse de ce que la gauche est censée faire.)
  • Mais bon, ça peut aussi avoir un sens national, auquel cas ça veut dire qu’on a raison, mais qu’on doit faire encore plus de réformes dans notre sens.
  • Malgré ça, comme le score est mauvais, on remanie…

De là à dire qu’on passe les soirées électorales à pisser dans un violon… Je vous laisse conclure, mais si on veut régler ce qu’on dénonce unanimement (l’abstention), faudrait peut-être se mettre à faire de la politique autre chose qu’une bouillie insensée et un foutage de gueule de masse.

Ah mais avec des si…

Romain JAMMES

Le bruit des bottes

Le ciel est gris à Toulouse. Un vent rafraichi par l’arrivée de l’automne soulève les feuilles qui commencent à jaunir. La redif’ d’un printemps sacrifié aux pluies abondantes fait craindre un hivers rude. L’automne l’est assez comme ça. Dans les consciences il prend racine comme un Banyan, à ciel ouvert. Sans effort, il plonge ses longs membres dans le sol trempé par l’apathie politique, le refrain monocorde de la survie quotidienne. La berceuse des consciences qui transforme la matière grise en une épaisse flaque de boue mêlant consommation hystérique et nombrilisme patenté.

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Aujourd’hui le bruit des bottes ne se dissimule plus derrière le silence des pantoufles. Il a appris à se faire entendre comme un bruit de fond. Le bruit de l’autoroute qui ne cesse jamais mais qu’on n’entend plus jusqu’à ce qu’on redécouvre le silence, un jour. Il nous manquait. Cette année l’automne n’a pas attendu la fin des beaux jours… Comme le silence perdu, peut-être disparaîtront-ils progressivement.

L’été grenoblois

Bon c’est vache pour la charmante ville de Grenoble. Mais cet été avait un air de discours sarkozyste sur la sécurité. Un discours qui est lui même une pièce rapportée de l’extrême droite et de son obsession calculée pour la sécurité. On n’en a jamais autant parlé qu’alors, il n’y a d’ailleurs jamais eu autant de lois fondatrices dans ce domaine que pendant la décennie Sarkozy. Le tout articulé de manipulation du chiffre pour avoir un faux bilan.

Le changement n’a pas créé l’onde de choc promise, ni sur l’économie ni dans ce fantasme sécuritaire que Valls a repris tel quel. Stigmatisation des Roms, des musulmansDP4, absurde politique du chiffre, coups de force et de com’ dans des quartiers populaires, menaces viriles, promesses fermes et musclées. On croirait que ministre de l’intérieur, c’est poser ses couilles sur la table, puis discuter. La recette est la même et crée les mêmes résultats : de la tension. Car si des délinquants sont arrêtés, des bandes démantelées, des armes retrouvées, le mal secondaire que génère cette crise sociale est bien plus important dans ces quartiers comme dans les consciences collectives. La police qui connaissait le terrain a laissé place à des camions de la BAC qui arrête au faciès et demande son chemin.

La figure de Mohamed Merah est utilisée comme épouvantail, l’Islam et sa compatibilité avec la démocratie aussi, l’expression d’ « ennemi de l’intérieur » est remise au goût du jour. Le tout avec un aplomb qui fait passer la mère Le Pen pour une modérée. Sans surprise, le Front National récolte le fruit de l’essaimage de ses idées : il devient crédible, audible, et finalement presque normal, tenant un discours tout aussi odieux que de nombreux médias et oligarques de toutes sortes.

De faits divers en faits divers…

Seulement voilà, de « fait divers » en « faits divers » épinglés et manipulés par la droite, son copain extrême, son autre copain complexé (à peine) au gouvernement, et son dernier copain dans les rédactions, la violence et l’émotion font un ras de marrée sur l’opinion. Elle emporte tout sur son passage, la solidarité qui construit notre société, la tolérance qui en fait un lieu d’accueil et de partage, l’horizon qui cherche le bonheur collectif comme un été sans fin.

L’émotion brutalise les principes et s’engouffre dans une culture de stigmatisation construite depuis des années. Elle se gorge de rancœur, comme si tout était le résultat d’une même volonté. Elle veut une justice immédiate, punitive, voire martiale à l’image de ces soutiens au bijoutier qui a tué le voleur de son commerce. Le bruit des bottes c’est celui qui détourne les êtres humains du collectif. Il leur dit de se faire justice eux même, de ne plus croire que la société peut s’en charger. Mais seul, on peut frapper son voisin, son semblable. Pas son patron.

Au grand jourDP1

Dans ce contexte, comment s’étonner que les loups sortent du bois. Les fascistes s’assument et gagnent en assurance. Ils manifestent, ils agressent, ils tuent. Ils s’en prennent impunément et au grand jour à des militantes comme Sophia Hocini et Julie Del Papa qui ont la force de se battre contre le FN. Les menaces de mort ou de viol à leur égard résonnent dans une caisse vide. L’Etat incapable ou complice regarde le spectacle affligeant de cette montée en puissance.

Ces mots de Françoise Giroud m’ont toujours marqué.

DP« Ainsi commence le fascisme. Il ne dit jamais son nom, il rampe, il flotte, quand il montre le bout de son nez on dit : c’est lui ? Vous croyez ? Il ne faut rien exagérer ! Et puis un jour on le prend dans la gueule et il est trop tard pour l’expulser »

Je ne sais pas s’il est trop tard ou si simplement le fascisme montre le bout de son nez. Une chose est certaine, pendant que se creusent les inégalités, que la puissance publique fait la sourde oreille devant la misère, le bruit des bottes devient assourdissant. Le gouvernement pourra avoir tous les discours moralisateurs, tant qu’il entretiendra cette misère, il entretiendra le foyer de haine qui s’y accroche.

Romain JAMMES

Médias fascistes…

Y a des nouvelles qui vous foutent hors de vous pour la journée. Je suis habitué, d’une certaine manière. Je regarde patiemment BFM-TV quand je prends mon petit dej’ le matin. Ce n’est pas que je crois une seconde les conneries qui s’y racontent, c’est que ça me donne un peu la température de ce que la culture dominante veut nous faire avaler aujourd’hui. Pour chier dans un pot, il faut y voir clair quoi.h-20-2676119-1326111879

Mais là, la magie des médias me laisse encore une fois sans voix. J’ai beau être averti, chaque fois ça me dépasse. Un sondage sort de nulle part et vient dire que le Front National est en grande partie dédiabolisé et qu’un tiers des français adhèrent à ses idées. Bon ça fout en rogne déjà, du moins quand on a un minimum de cerveau et qu’il est pas essentiellement dirigé dans la haine de l’autre. On relativise, on se dit « bon les sondages tout ça tout ça,… » mais on l’a mauvaise parce que c’est relayé partout…

Sauf que ce sondage, il ne vient pas de rien et surtout, ses résultats non plus. Est-ce que ces putains de médias fascistes, qui ont fait la pub de Le Pen pendant des années, sont pas en train de s’en féliciter ?

Investigation (n,f) : Croire sur parole un fasciste

L’investigation, chez beaucoup de médias dominants ça a une drôle de saveur. Fini les caméras cachées, les croisements d’informations, les vérifications, la preuve par les actes tout ça tout ça. Non c’était avant, bien avant, ou alors c’est des médias gauchos lus par 4 personnes. Non, la vraie modernité maintenant c’est de croire le FN sur parole.

Alors à coup de grands renforts d’éditorialistes, le Front National a tenté sa petite musique de la reconversion socialo. La mère facho a été élue présidente de son groupuscule et d’un seul coup plus personne n’a de mémoire : « hein de quoi ? Le Front National ? L’ultra-libéralisme associé à l’antisémitisme, au racisme, au négationnisme, au sexisme ou à l’homophobie ? » Bah tout ça c’est fini. C’est devenu le FN qui défend mordicus les pauvres ouvriers manipulés par des gauchistes qui « éructent » comme l’infâme Mélenchon. C’est devenu le FN qui est juste réaliste, qui exagère parfois un peu bon, mais qui s’est vachement calmé depuis que le borgne est au placard. C’est devenu un parti républicain qui défend l’augmentation des salaires, grâce à l’expulsion d’immigrés. Celui qui donnera plus d’aides sociales, en supprimant celles de immigrés et qui s’en prend avec plein d’énergie aux patrons voyous que même Parisot ne peut plus cautionner tout en prenant le soin de ne pas toucher à l’ISF histoire que la bourgeoise puisse rentrer au château après ses meetings. Des interrogations sur la viabilité de tout ça ? Ah c’est d’un autre temps j’oubliais…

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Le FN c’est le parti du peuple, le parti des pauvres laissés pour compte par l’infâme mondialisation. Quoi qu’il ait voté avant, c’est pas l’important. Quand le FN dit que tous les autres sont tous pourris, les médias aiment bien ça. Ils aiment bien parce que ça fait vendre, puis ils aiment bien parce qu’en faisant du « tous pourris » ils ont l’impression d’être indépendants. Pauvres débiles !

Le FN c’est le parti des anciens tout. Un ancien communiste ? La vache ! La caméra s’approche, le micro se tend « Je suis ancien communiste, mais je suis allé au FN parce que le PCF c’est la foire aux bou… » (la suite est coupée au montage). Nom d’une pipe ! Un ancien communiste. C’est fou ! Quoi ??? Une ancienne socialiste ? « Oui j’étais au PS mais ils font parti du système » Comme c’est beau. Mais les questions que le journaliste ne se pose pas c’est : quand ? pendant combien de temps ? est-ce que c’est vrai ? tu te fous pas de ma gueule ? Tu trouves que y a pas un problème mental dans ta conversion communo-fasco-vaguebleumariniste ? Mais ce serait trop demandé, puis ça intéresse personne hein ?

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L’investigation moderne c’est le publi-reportage. Le FN vous concocte un packaging parfait : des images, un petit story-telling, du croustillant quand même, et le fameux « recours au système UMPS ». Et en boucle pendant les législatives partielles les médias y sont allés de leurs grandes éloges, jusqu’à la grosse claque qu’a pris le FN où l’on a pas entendu une once d’auto-critique. L’auto-critique, un truc de gaucho aussi ça ! Un scepticisme sur ce virage social ? Un peu d’esprit critique sur les dossiers de presse ? Une réflexion sur les conséquences d’un tel traitement ? Non rien, nada, quedal, quetchi, walou, peau de balle…

Réalité (n,f) : monde à partir duquel des médias s’amusent à créer un miroir déformant

C’est vrai, il y a une banalisation des idées de Front National. La faute à qui ? Certes à ces bouffons de l’UMP qui n’ont pour seule stratégie que de courir derrière le lapin, de plonger dans des discussions ineptes sur les pratiques religieuses, le Hallal dans les cantines ou le danger de l’immigration. Mais faute aussi à ces médias racistes et xénophobes qui répandent cette bonne parole à qui défend un autre modèle : « mais on ne peut pas accueillir toute la misère du monde ! » « mais n’importe qui va venir ! » « mais l’immigration ça nous coûte ! » « mais déjà que y a pas de travail pour les français… » Tous ces mensonges, ces manipulations, ce ne sont pas des paroles, c’est du vomi, de la haine à l’état pur que ces décervelés recrachent comme un tract fasciste.

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Prophéties auto-réalisatrices quand des médias reprennent les éléments de langage, les arguments, les analyses des réactionnaires à toute heure, pour tout sujet, se permettant ensuite de dire que leurs idées avancent. Horde de minables prétentieux qui estimez être au dessus de la mêlée mais organisez un pogrom politique en guise de débat, pour vous plaindre ensuite que le peuple n’y trouve pas son intérêt. Je vous crache à la gueule !

Vermine puante qui comparez Marine Le Pen et Mélenchon, deux idéaux, deux méthodes, deux projets de société radicalement opposés. L’une divise et renforce le pouvoir oligarchique, pointe l’immigré, le fonctionnaire, le syndicaliste, l’homosexuel pour casser les classes et offrir sur un plateau le peuple aux puissants. L’autre rassemble ceux qui partagent des conditions de vie contre ceux qui tentent de les soumettre au pouvoir de l’argent. L’une attise les conflits religieux et parade avec les catholiques, l’autre est laïque et les range toutes dans la sphère du privé. L’une méprise le peuple et la démocratie, l’autre veut refonder la République pour donner le pouvoir aux masses. Qui banalise quoi, quand dans une bouillie infâme ces pourritures mettent ces personnes dans le même panier ?f4

Qui ment quand à Hénin Beaumont, un passage éclair de Le Pen en place public, millimétré pour ne rencontrer que des partisans, se transforme sur les écrans en bain de foule populaire démontrant l’acclamation de cette connasse ? Qui ment quand il écrit que Mélenchon se cache devant ce mouvement, n’ose pas sortir et se fait chahuter ? J’ai vécu personnellement ces scènes. Rien ne justifie un tel traitement sinon la conversion au fiel que l’extrême droite répand dans la société.

Journaliste (attribut) : individu indispensable au bon fonctionnement démocratique

Média fasciste qui fait la courte échelle au Front National. Média fasciste qui réduit la démocratie à une course hippique désintellectualisée. Média fasciste qui méprise le peuple. Média fasciste, qui diffuse ces idées racistes, xénophobes et machistes. Média fasciste qui préfère parler du Hallal imaginaire des cantines plutôt que des collusions industrielles. Média fasciste anti-parlementariste, à l’indignation calculée et sélective. Média fasciste abrutissant qui construit la société comme un spectacle permanent, une arène de gladiateurs entre toutes et tous. Qui monte des émissions honteuses où des femmes se réduisent elles-mêmes en objet de consommation, qui pousse l’individualisme et le chacun pour soi comme la valeur ultime.

Vous portez une responsabilité marquante dans l’état de l’opinion publique, dans la difficulté qu’ont les personnes comme nous qui essayons chaque jour de rallumer l’étincelle : celle du débat, celle de la création culturelle, celle de l’amour…

Romain JAMMES