Congrès du PS « Le parti ne doit pas être l’agence de com’ du gouvernement »

On s’en doutait, un congrès c’est un joyeux bordel. Il y a la ligne officielle qui passe à travers les enceintes de la grande salle. Mais il y a aussi une liberté de parole assumée de certains intervenants, et d’autant plus des militants dans les salles et couloirs du palais des expositions. Ils espèrent ainsi bouger les lignes. Ils espèrent…

Être applaudi à la tribune

Il y a un je-ne-sais-quoi qui me met mal à l’aise dans cette ambiance. Une certaine frustration qui monte derrière des sourires de « tout va bien ». À la tribune les interventions s’enchainent comme le click d’un métronome. La plupart rappelle, comme à l’évidence, que le parti est uni derrière le gouvernement, qu’Ayrault et Hollande mettent en place le changement qu’attendent les français. La régularité et l’homogénéité de ces interventions cachent-t-elle quelque-chose ? Quand une porte ouverte est enfoncée 2, 3, 4 fois, c’est peut-être qu’elle n’est pas si ouverte que ça. Non ?

Il y a un côté faux qui me fascine dans ce congrès. D’un côté, c’est un moment politique fort pour le PS, comme chaque fois. Un congrès décide des orientations politiques, refonde la direction, concentre et synthétise des débats internes. Oh, mais bizarrement, les dirigeants du parti, nouveaux comme anciens (enfin concrètement ce sont presque les mêmes), s’évertuent pourtant à le réduire à un « rassemblement des militants du PS ». Merde, je me suis gourré ? C’est une université d’été ou une fiesta nationale où rien ne se joue ? C’est p’tet bien qu’une motion écrasante rassemble tout et n’importe quoi au prétexte d’être en rang serré derrière Hollande et étouffe quelque-peu l’issue du week-end. Gérard Colomb le précise lui-même vous me direz : « Nous sommes en responsabilité, le congrès change de sens. Ce n’est plus le congrès des mots qui claquent et des formules audacieuses. » Entre les lignes, ça veut dire qu’il n’y a pas de débat.

Ce faux semblant d’unité éclate à la vue quand des discours contradictoires s’enchainent. Gérard Filoche enflamme la salle au son de « notre priorité n’est pas de rembourser les banquiers et de céder à leur chantage, mais de réduire le chômage. » Il fustige l’expression « coût du travail » ou « charge sociale » à l’unisson avec Lienemann quelques minutes plus tard. Il rappelle que ce n’est pas aux retraites qu’il faut s’en prendre mais aux dividendes qui n’ont aucune utilité sociale et conclu en opposant flexibilité et compétitivité. Bref, un magnifique pamphlet anti-social-libéralisme qui fini sous un tonnerre d’applaudissement. Fichtre, les délégué-e-s seraient ils/elles de gauche ? S’enchaine l’intervention de Valls qui provoque la même acclamation en défendant sa politique sécuritaire et l’action du gouvernement. D’autres viennent faire de même en matraquant l’objectif de réduction de la dette. À n’y rien comprendre, on peut dire tout et son contraire et provoquer une ovation. Mais à quoi sert ce débat ?

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Être libre de parler, mais pour quoi ?

Si ce congrès m’a fait comprendre quelque-chose c’est bien ça. Au PS, il y a de tout. La base idéologique est tellement indéfinie qu’elle rassemble des ardents partisans et opposants de l’austérité par exemple. Pourtant tout ce beau monde reste ensemble et les plus courageux à gauche disent : « on provoque le débat, on exprime nos désaccords ». Je n’en doute plus maintenant, quand on est au PS, on peut tout dire. On peut tout dire au point de rejoindre comme Hamon et ses troupes, la motion de toute l’aile droite du PS en revendiquant de ne pas avoir bougé d’un iota sa ligne personnelle.

Les stands dans le village associatif regorgent de belles idées. Ils ne cachent pas leurs désaccords avec le gouvernement. Les écologistes d’Utopia défendent la transition énergétique, la sortie du nucléaire, et fustigent la répression à Notre-Dame-des-Landes. Vous avez bien lu : juste devant ceux qui l’organisent ! L’association LGBT est abasourdie d’incompréhension à propos de la lâcheté du gouvernement sur le mariage pour tou-te-s. Beaucoup s’accordent à dire que le gouvernement « manque de courage » sur le droit de vote des étrangers. Ils sont encore plus nombreux que le TSCG dégoûte. Mais à quoi bon ?

Cette liberté d’expression est un foutu placébo ! La ligne politique qui s’applique au PS depuis des années est celle de l’abandon du combat, de la transition soc’- dem’ européenne qui saigne le peuple pour la finance. Pourtant le fait de pouvoir s’exprimer justifie que les moutons noirs restent dans le navire. C’est comme une carotte inatteignable. Quel gâchis de voir toute cette énergie embourbée par un appareil inamovible.

« Le parti ne doit pas être l’agence de com’ du gouvernement »

Le PS étant maintenant au pouvoir, le congrès concentre cette contradiction. La quasi « motion-unique » tente de réduire le parti à un soutien unanime au gouvernement. Ca grince des dents, évidemment. Laure Pascarel (qui dirige Utopia) redoute que le parti devienne « une agence de com’ du gouvernement », aïe, on entre dans le vif du sujet. C’est pourtant bien ce qui se prépare, au même moment à la tribune, Bartelone en remet une couche : « La responsabilité d’un militant est d’expliquer le budget aux français ».

En fait, je crois que la messe est dite…

Romain JAMMES

4 réflexions sur “Congrès du PS « Le parti ne doit pas être l’agence de com’ du gouvernement »

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