Comment Hollande applique le programme du MEDEF…

Je sais pas pour vous, mais moi j’ai sérieusement l’impression que la poignée de réactionnaire qui s’est baladée à Paris ce dimanche a sacrément occulté un partie incroyable de l’actualité. Certes leur capacité à se compter a de quoi étonner, mais rappelons nous que la plupart d’entre eux pensent dur comme fer qu’une femme vierge a accouché du fils de Dieu et que Eve est sortie de la côte d’Adam.

G5 PATRONAL DU MEDEF

Pourtant une chose très grave c’est passé cette semaine. C’est l’accord emploi signé par le MEDEF, la CFDT, la CFTC et la CFE/CGC. Oui, en général ce genre d’accord ça sent pas bon, ça rappelle quelques douloureux souvenirs. Et « Oh surprise ! » on s’est pas trompé !

La méthode : laisser le Medef gouverner

Bon moi, Hollande, j’ai voté pour lui qu’au second tour. N’empêche que quand on élit un Président ou une Assemblée, en règle générale, c’est pour qu’ils gouvernent. Vous savez gouverner genre : « avoir un programme et des projets politiques, faire des arbitrages, défendre l’intérêt général » tout ça tout ça,… Mais y a aussi la méthode capitaine de pédalo. Enfin c’est la méthode : « je vais faire la réforme que le patronat attend depuis des années mais si je l’annonce comme ça je vais me faire cartonner la gueule ». Dans ce cas, le capitaine lâche la barre, et les vagues lui donnent le cap.

120125_accords_competitivite

Donc méthode simple : on fout les syndicats et le MEDEF ensemble avec une petite règle du jeu. Y a un ultimatum, c’est le MEDEF qui écrit la première trame de discussion, puis si y a la moitié des syndicats qui vend son âme au diable, on enferme tous les salariés. Sciemment, cette méthode écarte la CGT et FO pour donner la décision aux traitres qui ont signé ledit torchon. Pour résumer, on fait des accords entre le MEDEF sans la CGT, ni FO. Qui peut croire que ça va aller dans le sens des salariés ? Ils sont même pas représenté à majorité par le cartel des jaunes pisse ! Bref, le capitaine lâche la barre mais il sait le sens du courant… On me la fait pas !

Le résultat ? Un recul historique

L’arrangement trouvé ferait pâlir un social-démocrate. Ce qui a été obtenu par les salariés ? Quelques broutilles. L’élargissement des droits rechargeables à l’assurance chômage ne se fera pas tout de suite, elle ne coûte rien, et elle pré-suppose que les chômeurs attendent volontairement la fin de leurs indemnités avant de retrouver (en claquant20061101102305_precarite-650 des doigts) un emploi. L’extension des complémentaires santé va dans le sens inverse de l’ambition de la sécurité sociale. C’est surtout le pactole pour les assurances privées, et celles choisies par l’employeur, histoire qu’il y ait copinage. L’encadrement du temps partiel est un immense écran de fumée avec 1000 dérogations et une modulation à l’année à la discrétion de l’employeur. Le droit à la formation ne change quasiment rien, par rapport à l’état actuel des choses et on a du mal à voir à quoi sert la mobilité volontaire. Enfin, la taxation des CDD courts est minimale et se fait en échange de 150 millions d’exonération sur certains CDI.

Côté patronat, par contre, on s’est gavé. On compte une facilitation hypocrite de la mobilité imposée et la création de barèmes d’indemnisation des salariés en cas de conciliation aux prud’hommes. Le patronat fait des économies sur le licenciement et encadre même la contestation des plans sociaux. Sans dec’.

Hiérarchie des normes et CDI

Mais le pire, c’est ça. Depuis des années, le MEDEF rêve de pouvoir imposer des accords aux les salariés : des accords qui puissent déroger à la loi. Évidemment c’était déjà le cas si l’accord était plus favorable au salarié auquel cas il s’applique à tous les travailleurs. Déjà Sarkozy avait enfoncé une brèche. Hollande fini magnifiquement le travail. Un accord pourra s’imposer aux salariés à travers un processus aussi représentatif que celui qui accouche de 21_10_11_emploi_precarite_CDD_CDIcette plaisanterie. Si un salarié le refuse, il sera licencié sans aucun des droits du licenciement économique. Le rapport de force local du patronat permet d’effacer le code du travail. Si c’est pas un retour à l’âge de pierre

Enfin, le Second totem renversé, c’est le CDI. Dans une « situation exceptionnelle » (je vous rappelle qu’on nous parle de crise depuis les années 80)… Donc je disais, dans une « situation exceptionnelle » l’entreprise pourra faire des « accords » (ce mot me fait rire maintenant) sur la durée et la rémunération du travail. En gros, il pourra, avec la CFDT, décider que vous travaillerez plus, pour moins cher. Mais comme ils sont cool, on pourra quand même pas gagner moins que le SMIC ni travailler plus de 48h par semaine. C’est adorable, ils respectent la loi…

Ah, et l’emploi au fait ?

Je vous ai pas raconté. Non mais ça paraît pas logique comme ça mais ces accords, c’est aussi pour créer de l’emploi. C’est vrai que quand le MEDEF demande à licencier plus facilement, on a du mal à comprendre que c’est pour créer de l’emploi. Détrompez-vous : Precaritedorénavant, avant toute fermeture de site rentable, la direction pourra envisager éventuellement, si le cœur lui en dit, la recherche d’un repreneur.

À part ça rien, si ce n’est plus de précarité, donc une consommation en dent de scie, donc moins de travail, moins d’investissement, et donc plus de chômage. Idem pour les salaires en baisse dans les « cas exceptionnels ». Le modèle est toujours le même, se serrer la ceinture en espérant vendre à l’extérieur. C’est inefficace, c’est dangereux, c’est idiot mais ça rapporte à une poignée d’actionnaires. Comme quoi la crise à bon dos, quand il s’agit simplement de dynamiter le droit du travail. Puis c’est encore plus savoureux quand les socialistes collaborent.

 –

Le divorce idéologique est consommé. Michel Sapin disait sur le JDD pour expliquer que la « flexibilité » ne le « gêne pas » : « Si une entreprise est obligée de licencier, pourquoi retarder l’inéluctable au risque de perdre davantage de postes ? » On y avait pas penser, c’est pour le bien des salariés, qu’on veut pouvoir les virer plus facilement…

Romain JAMMES